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    Trois quart de siècle plus tard…..

    Pierre Péguin, 5 aout 2020,

    Plus que jamais nous subissons les graves conséquences des largages de bombes atomiques des 6 et 9 aout 1945 sur les villes martyres Hiroshima et Nagasaki:

    - La manipulation des observations recueillies par les américains après les bombardements ont permis aux structures internationales du lobby nucléaire de nier le plus longtemps possible l’effet des contaminations par de faibles doses radioactives, ainsi que de leurs effets génétiques transmissibles. De ce fait les normes de protection des travailleurs et des populations sont très insuffisantes.

    - La course aux armements nucléaires de plus en plus sophistiqués accroissent le risque de guerre nucléaire dangereusement (1). Les 2400 bombes qui ont explosé à titre d’essai ont contaminé l’ADN de tout le vivant de la planète.

    Il en résulte un nombre considérable de victimes (plusieurs dizaines de millions) qui dépasse et de loin celles directement liées aux bombardements de 1945 (environs 250.000) qui a introduit l’humanité dans une ère de barbarie (2).

    J'avais 7 ans en 45, et je me souviens être monté sur la terrasse de l'immeuble dans lequel nous habitions pour regarder vers l'est et espérer naïvement voir le champignon.... Très vite l’idéologie dominante, celle des vainqueurs, avait annoncé que grâce à la bombe atomique le Japon avait capitulé marquant ainsi la fin de la guerre. Plus tard tout aussi naïvement on a chanté, dansé, adulé l'atome («c'est la danse atomique... ») et les maillots de bain « bikini »; on a cru à l'«atome for peace» promu par Roosevelt, et à la "grandeur de la France" chère à de Gaule créant le CEA (Commissariat à l'Energie Atomique) chargé de construire la bombe.
    Ah, on nous a bien manipulés !

    Ainsi tout avait été fait pour convaincre l’opinion de la nécessite de ces opérations afin que les US ne soient jamais accusés de crime contre l’humanité. Pourtant une autre analyse de l’histoire « le projet Manhattan » (3), montre que le Japon à genoux voulait négocier une capitulation honorable, mais que les Etats Unis y mettaient des conditions insupportables, conditions disparues comme par hasard, après les bombardements.

    Dans cette analyse qui contredit l’idéologie officielle, Il fallait à tous prix que la guerre se prolonge quelques jours, le temps de pouvoir larguer ces bombes sur deux villes martyres, non seulement pour bénéficier d’une expérimentation en vraie grandeur, mais aussi pour asseoir la supériorité US sur la Russie, c’était le début de la guerre froide.

    La suite montrera l’exploitation des données recueillies sur les victimes immédiates et celles mourant ultérieurement dans d’horribles souffrances, sous l’œil froid des experts exclusivement américains.

    Mais maintenant on sait, on sait que l'horreur nucléaire est toujours à l’œuvre, que les dégâts humains sont à ce jour bien pires que ceux de 1945, que les 2400 explosions de bombes atomiques ont contaminé toute la planète et l’ADN du vivant, que toute la chaîne de l'industrie nucléaire et le fonctionnement des réacteurs répandent les radionucléides responsables de bien de pathologies, sans parler des catastrophes.

    Août 45 est un symbole, mais en août 2020, nous sommes avec un nombre de victimes et des menaces autrement plus terrifiantes. Nous payons aujourd’hui les conséquences de ces bombardements et de l’exploitation qu’en a fait le complexe militaro-scientifico-industriel. C’est le cas des multiples victimes de la radioactivité que ce soit sur les sites d’expérimentation militaires (Regane, Polynesie), dans les territoires de guerre ayant subi les armes à tête d’uranium (4) comme en Irak, Afghanistan, Kosowo, suite aux catastrophes atomiques toujours en cours (Tchernobyl, Fukushima,etc.), au voisinage des centrales et usines nucléaires, ou des mines d’uranium.

    On sait aussi qu’au delà de la crise climatique, au-delà même des catastrophes nucléaires, la pire menace qui pèse sur nos existences est la guerre atomique dont on n’ose pas imaginer ce qui en resterait de l’humanité. L’entretien et le développement des armements nucléaires mobilisent des budgets considérables. Ils s’appuient sur le fonctionnement des équipements nécessaires à la production de l’électricité par le nucléaire dit « civil » qui se trouve ainsi verrouillé. 

    Notre revendication de l’arrêt du nucléaire en est d’autant plus difficile à aboutir, contrairement à nos pays voisins qui ont choisi de s’en passer sans pour autant être retournés à la caverne et à la bougie.

    Nous ne devons pas nous taire, et continuer à appeler à l’arrêt de l’électronucléaire, et à la condamnation de l’armement nucléaire.  

    Hiroshima le 6 août et Nagasaki le 9,
    Le 6 août 1945, Hiroshima a été détruite par une bombe atomique à l’uranium,
    et le 9, Nagasaki a subi le même sort, cette fois par une bombe au plutonium.
    Ces événements qui marquent notre histoire sont l’aboutissement de ce qui a
    été appelé le projet Manhatan qui a mobilisé plusieurs centaines de milliers de
    travailleurs sur plusieurs sites aux USA.
    S’il est exact que ce projet a été lancé face à la crainte que l’Allemagne nazie travaille sur l’arme atomique, il a été sû assez vite que l’ennemi n’en avait pas la capacité. Mais la machine était lancée, le complexe militaro-scientifiquo-industriel voulait aller jusqu’au bout quel qu’en soit le prix.
    Et le prix n’a pas été que financier il a également été humain : Il y a eu des
    victimes parmi le personnel, et le silence des familles a été acheté, c’était le
    début des mensonges concernant la dangerosité cachée de la radioactivité. De très nombreux cobayes humains ont été volontairement contaminés : résidents d’asiles, d’orphelinats, des malades hospitalisés, des condamnés, etc. l’horreur. !
    Le pire est que la direction militaire voulait absolument une expérimentation en
    site humain pour en tirer tous les enseignements et qui permettrait d’affirmer la supériorité des US sur l’URSS.



    Ensuite l’armée américaine a verrouillé les observations de façon à cacher la nocivité de la contamination radioactive et à n’attribuer les dégâts qu’aux effets directs de l’explosion (onde de choc, chaleur et irradiation).

    Les structures internationales supposées protéger les travailleurs et les populations, continuent à s’appuyer sur les données tronquées diffusées à cette époque. Ainsi tout ce qui concerne les effets de la contamination des organismes vivants, et les effets génétiques ont été officiellement niés. Cela a permis d’imposer des normes de protection très insuffisantes.
    Il s’
    est bien agit là d’un crime contre l’humanité commis consciemment, et qui a ouvert la porte à une nouvelle ère, celle de la menace atomique liant à tout jamais dans l’histoire humaine ,l’énergie nucléaire et le mépris de la vie.

    Ainsi l’UNSCEAR (5) structure chargée de dire la connaissance scientifique officielle du lobby international, reprend les résultats fournis par les américains dans le suivi sanitaire des irradiés d’Hiroshima et Nagasaki. Cela a permis à la CIPR (6) de préconiser des normes laxistes de protection.

    L’enjeu essentiel est de pouvoir nier le plus possible l’importance de la contamination par de faibles doses de radioactivité, et on continue à le faire dans les zones contaminées par Tchernobyl ou Fukushima au mépris de la santé des populations concernées. Au point même de refuser aux enfants les cures qui permettraient d’alléger leurs souffrances ! C’est l’application des programmes « éthos-Core » (7) dans lesquels les experts français du CEPN (8) toujours à la pointe de la lutte pour sauver le nucléaire sont impliqués. Ces criminels prétendent que c’est la nucléophobie qui rend malade... 

    Mais face à ce « négationisme », en 2001, des membres du Parlement Européen ont décidé de soutenir la rédaction du rapport « Etude des effets sanitaires de l’exposition aux faibles doses de radiation ionisante à des fins de radioprotection », rapport CERI publié en 2003 (9).

    Le CERI, Comité Europeen sur le Risque de l’Irradiation
    Le CERI remet en cause les normes et méthodes d'évaluation qui ont prévalu jusqu'à présent en matière de radioprotection. Sollicitée et financée par le groupe Verts européens, l'élaboration de cette étude a été coordonnée par le chimiste anglais Chris Busby et a rassemblé une palette d'experts indépendants du monde entier».
    La création du CERI reposait sur le fait « qu’il existait suffisamment de preuves démontrant qu’une exposition de faible dose due à des radio-éléments artificiels provoquait des problèmes de santé, et que les modèles conventionnels de la Commission Internationale de Protection contre les Radiations (CIPR) n’ont aucunement prévu ces effets. »
    Outre le fait que le secret ait entouré les observations effectuées au Japon, et que de plus les structures internationales de sûreté nucléaire soient verrouillées sans contrôle démocratique, les experts du CERI ont critiqué la démarche scientifique pour les raisons suivantes :
    - Les survivants ont dû être parmi les plus résistants des habitants de ces villes, les plus fragiles (jeunes, femmes enceintes, etc.) étant déjà tués beaucoup plus facilement. La « cohorte » suivie n’est donc pas représentative d’une population moyenne.
    - Il s’est agi au Japon d’irradiation violente (rayonnement gamma pour l’essentiel), alors que le fonctionnement actuel des réacteurs engendre des quantités importantes de radioéléments dont la contamination à petite dose est d’autant plus dangereuse qu’ils peuvent se comporter chimiquement comme des
    éléments nécessaires à la vie et prendre leur place dans nos organismes ( Césium 139, strontium 90, iode 131, par exemple). Il n’est donc pas possible de donner du crédit à l’extrapolation vers les faibles doses de la relation linéaire liant le nombre de victimes à la dose reçue.
    - L’existence d’un seuil en-dessous duquel l’irradiation serait inoffensive n’est pas crédible non plus, on trouve encore des textes annonçant qu’au dessous de 100msv il n’y a pas d’effets prouvés !
    - La comparaison avec la radioactivité naturelle n’a pas de sens, la radioactivité artificielle est composée d’éléments qui n’existent pas à l’état naturel, éléments qui entrent dans le cycle de la vie et
    dont le rayonnement perturbe les cellules et l’ADN.
    - Les calculs officiels
    ne prennent pas en compte les graves conséquences de la contamination interne. Ils ne tiennent pas compte des autres pathologies provoquées par la radioactivité, ni des effets génétiques transmissibles, ni encore des fausse-couches ou des bébés mort-nés. Ils ont pu ainsi faire l’impasse sur les effets à long terme des contaminations par de faibles doses, et sur les conséquences de transmission génétique d’altérations.
    - Les fortes doses tuent, les faibles doses agissent à plus long terme, elles abîment les cellules, créent des radicaux libres et provoquent des mutations.
    -
    De plus, le modèle CIPR fait comme si l’irradiation est répartie uniformément sur le corps, pas de distinction entre irradiation répartie et concentration localisée sur certains organes (comme par exemple l’iode radioactif dans la thyroide).

    Ainsi après 3/4 de siècle nous subissons plus que jamais les graves conséquences des bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagaski :
    - Des normes de sécurité insuffisantes, et leur manipulation en fonction des besoins, pour les travailleurs, pour les populations qui vivent en zone contaminée, aux dépends de leur santé. Ce terrible et inhumain mensonge permet de rejeter les demandes de maladies professionnelles ou de reconnaissance de pathologies subies suite aux catastrophes ou tout simplement suite aux essais nucléaires comme ceux de Regane ou de Polynésie.

    - Enfin l’initiative de l’armée US ne pouvait dans le cadre de la guerre froide que provoquer le développement d’armements de plus en plus sophistiqués et terrifiants tel que la bombe H (10). L’exemple a été suivi par d’autres pays Israel, Inde, Pakistan, Corée Nord.
    Nous sommes en permanence menacés d’une guerre nucléaire, le plus grave fléau en puissance. Notons que les plus grands émetteurs de CO2 sont les plus grandes puissances militaires.

    Il nous faut donc non seulement œuvrer à l’arrêt du nucléaire civil, mais aussi du militaire avec neutralisation des stocks de bombe.

    Ainsi ACDN, Action des Citoyens pour le désarmement nucléaire, agit, notamment par une demande de référendum, en faveur d’un désarmement nucléaire, biologique et chimique. Pour cela il existe une Proposition de Loi visant à organiser un referendum pour abolir les armes nucléaires et radioactives (Le Monde, 14 février 2020). Pour être déposée, elle doit recueillir les signatures de 185 parlementaires et en a reçu 43 pour le moment.

    D’après ICAN France, relais national de la Campagne Internationale pour Abolir les Armes Nucléaires, campagne qui vise à mobiliser les citoyens pour faire pression sur leurs gouvernements. Le traité des Nations unies sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN) voté à l’Onu en 2017 par 122 Etats n'a besoin que de 10 ratifications supplémentaires pour atteindre les 50 nécessaires pour entrer en vigueur, et rendre les armes nucléaires illégales au regard du droit international. La France s’est bien gardée bien sûr de rejoindre cette démarche (11), elle prévoit de moderniser l’arsenal nucléaire, et a repris en juin dernier des essais du missile nucléaire M 51…..

    Jeûne de Taverny, Jeûne de commémoration et d’interpellation de Taverny du 6 au 9 août, jeûne de commémoration des bombardements atomiques des villes japonaises de Hiroshima et de Nagasaki, jeûne institué par Solange FERNEX, et soutenu par Théodore MONOD.

    Le Collectif Arrêt du Nucléaire (ADN) qui regroupe des associations qui œuvrent à l’arrêt des nucléaires civil et militaire (12), organise ses journées d’été, décalées du fait du Covid, les 2,3,4 octobre à St Denis, au siège de la compagnie « Joli Môme », avec un riche programme (à voir en P.J.).


     (1) https://www.rts.ch/info/monde/11374471--le-risque-nucleaire-est-plus-eleve-que-pendant-la-guerre-froide-.html

    (2) Aujourd’hui est venu le temps de dire que les bombardements d’Hiroshima, de Nagasaki et les soixante-cinq millions de victimes de l’industrie nucléaire doivent faire l’objet d’un travail de mémoire, http://hebdo.nouvelobs.com/sommaire/dossier/061664/la-verite-inavouable. Html et http://www.dissident-media.org/infonucleaire/raisons.html  

    (3) "Le Monde comme projet Manhattan", Jean-Marc Royer, Le passager clandestin, 2017. Excellent livre. L’auteur développe les racines du négationnisme nucléaire avec toutes ses horreurs telles que l’évocation des 9.000 cobayes humains, ou la gestion criminelle post Hiroshima et Nagasaki.

    (4) A propos des armes à uranium appauvri :
    http://coordination-antinucleaire-sudest.net/2012/index.php?post/2018/02/02/A-propos-de-l-uranium-dit-appauvri,
    Et aussi https://apag2.wordpress.com/2018/02/02/a-propos-de-luranium-dit-appauvri/

    (5) UNSCEAR : Comité scientifiques des nations unies sur les effets des radiations atomiques. C'est l'instance de l'ONU qui «  dit la science », qui en a le monopole sans contestation possible. créé en 1955, ses membres sont nommés par les états, ils sont choisis évidemment pour porter la parole officielle et neutraliser toute remise en cause (par exemple nier l’effet des contaminations par de faibles doses).

    (6) CIPR : Commission indépendante de protection radiologique dont les membres sont cooptés sans contrôle démocratique., reconnue par l'ONU, organisation privée composée de membres cooptés au service du développement des usages de l'énergie nucléaire. Elle dicte les normes de la radioprotection et emet des recommandations concernant les mesures de sécurité à prendre sur les installations sensibles. Elle fonde ses préconisations sur la base des indications fournies par l’UNSCAER.

    (7) Vivre dans « le jardin nucléaire » avec Ethos, un crime contre l’humanité, Pierre Péguin 2016 https://apag2.wordpress.com/2016/11/21/vivre-dans-le-jardin-nucleaire-avec-ethos-un-crime-contre-lhumanite/, ou http://coordination-antinucleaire-sudest.net/2012/index.php?post/2016/11/07/Vivre-dans-le-jardin-nucleaire-avec-Ethos-un-crime-contre-l-humanite,

    (8) Le CEPN, Centre d’Étude sur l'évaluation de la Protection dans le domaine Nucléaire, représente le lobby nucléaire français il rassemble : EDF, AREVA, CEA, l’IRSN (13) ! Les membres de ces structures sont tous issus du même moule, cooptés ou nommés hors de tout processus démocratique, ils sont interchangeables. Ainsi Jacques Lochard fut directeur du CEPN et vice président de la CIPR.… Et c'est le CEPN qui a obtenu de l'Europe un financement pour développer les programmes Ethos et Core en Bielorussie sous la direction de Gille Dubreuil destinés à convaincre les populations de vivre en zones contaminées par Tchernobyl, avec tous les risques que cela comporte, programmes appliqués maintenant à Fukushima. C'est criminel.

    (9)CERI Recommandations 2003 du Comité Europeen sur le risque de l’Irradiation, traduit par Françoise Dupont et Paul Lannoye, disponible en librairie, ed Frison-Roche, 2004.

    (10) Bombe H ou bombe à fusion, étudiée à Mégajoule. La fusion est tentée d’être appliquée à la production d’énergie dans le projet international pharaonique Iter, fiasco en puissance en construction à Cadarache.

    (11) Dissuasion nucléaire : la France bille en têtes, Source : Libération   (8/2/2018)
    http://www.liberation.fr/france/2018/02/07/dissuasion-nucleaire-la-france-bille-en-tetes_1628220

    (12) L’Arrêt immédiat du nucléaire est techniquement possible à l'échelle européenne par Élisabeth Brenière et François Vallet. Arrêt du Nucléaire (ADN) http://collectif-adn.fr/2019/Arret_immediat_Europe.pdf,

    (13) IRSN: L'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire est l’expert public en matière de recherche et d’expertise sur les risques nucléaires et radiologiques. Ne comptons pas sur ce comité pour reélement nous protéger même si des associations y participent, voire s'y compromettent (l’ACRO, France Nature Environnement, Ligue nationale contre le cancer).



    Message conçu et envoyé depuis mon PC équipé de logiciels "libres", et alimenté en énergie renouvelable, ayant quitté EDF pour ne pas contribuer au financement du nucléair

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    La saison des docteurs Folamour du nucléaire est ouverte

     Un document intéressant, d'un point de vue du laxisme de l'après catastrophe. Fukushima, c'est du pareil au même que Tchernobyl. On ne fait rien, sinon ce serait reconnaître la dangerosité du nucléaire. L'industrie passe avant les populations sacrifiées. Pire, il est conseillé aux populations de revenir vivre dans leurs régions contaminées. Les acteurs de ces horribles mascarades sont des criminels patentés. 

    Bonne lecture.

    Gaulois.

    Février 2018 / Libération / les blogs 

     Cécile Asanuma-Brice

    http://japosphere.blogs.liberation.fr/2018/02/20/fukushima-quand-communication-et-populisme-prennent-le-dessus-sur-la-prevention-des-risques/

     

     

     Personnage aux allures de mascotte installée dans la gare de Fukushima après la catastrophe, nommé Kibitan, en référence au Kibitaki, oiseau Ficedula narcissina, espèce commune dans la région du Tohoku. Ici en tenue Saint-Valentin... Photo 

     

    Alors que démagogie et nationalisme prennent le pas sur la prévention des risques, c'est autour du 11 mars que chaque année, depuis l'accident nucléaire de 2011, une série de conférences destinées à prôner un retour à la vie normale en zone contaminée sont organisées. A défaut de sauver les populations qui en sont victimes, sauver l'industrie nucléaire est désormais le combat de quelques uns, dont le rôle est de faire porter la responsabilité de la gestion des conséquences des aléas de l'atome sur les populations qui les subissent. Un jeu de rôle pas comme les autres.

     
    11 mars 2011, un séisme de magnitude 9 survient au large des côtes du Tohoku, région nord est du Japon, entraînant la formation d’un tsunami de plusieurs dizaines de mètres et l’explosion de la centrale nucléaire de Fukushima dai 1. Ce désastre naturel à l’origine du désastre humain, pourtant annoncé depuis des décennies, n’avait pas empêché de construire deux centrales nucléaires sur une faille sismique que l’on savait active : la plaque du Pacifique avance chaque année sous la plaque Eurasienne sur laquelle se trouve l’île du Honshu, île principale de l’archipel nippon. Au regard des dégâts engendrés, non par le seul Tsunami, mais également par l’explosion de la centrale, on aurait pu s’attendre à quelques états d’âme de la part des autorités nucléaires internationales. La remise en cause d’une telle industrie aurait été amplement justifiée. Mais sagesse et raison n’étant pas au nombre des fleurons du monde industriel il n’en a rien été, bien au contraire. C’est ainsi que depuis sept années, les autorités nationales et internationales de gestion du nucléaire développent une propagande active multipliant les conférences auprès des Japonais. Celle-ci vise à les convaincre d’abandonner leur peur et d’accepter enfin d’apprendre à gérer leur vie dans un environnement contaminé.

    Les acteurs de l’endormissement

    Le 29 janvier dernier, en fin d’après-midi, au siège du journal
    Mainichi [1] <http://japosphere.blogs.liberation.fr/2018/02/20/fukushima-quand-communication-et-populisme-prennent-le-dessus-sur-la-prevention-des-risques/#_ftn1> , s’est déroulée l’une de ces conférences, la première d’une longue série dont le pic se situe de fin janvier à fin avril. Y sont invitées des personnalités connues pour leur position engagée dans la poursuite du nucléaire, comme le professeur Hayano Ryugo, nationaliste assumé, spécialisé en physique expérimentale à l’université de Tôkyô [2] <http://japosphere.blogs.liberation.fr/2018/02/20/fukushima-quand-communication-et-populisme-prennent-le-dessus-sur-la-prevention-des-risques/#_ftn2> ou Kainuma Hiroshi, sociologue à l’université de Ritsumeikan (Kyôto). L’un et l’autre sont acteurs du programme ETHOS [3] <http://japosphere.blogs.liberation.fr/2018/02/20/fukushima-quand-communication-et-populisme-prennent-le-dessus-sur-la-prevention-des-risques/#_ftn3> , initiative visant à apprendre aux habitants à gérer leur vie dans les territoires contaminés. Ce programme est soutenu par la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR), l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), l’Université médicale de Fukushima et la Fondation d’extrême droite Sasakawa. Hayano Ryugo et Kainuma Hiroshi proposent diverses activités au cours de l’année, dont la visite de la centrale nucléaire de Fukushima par des lycéens de la région [4] <http://japosphere.blogs.liberation.fr/2018/02/20/fukushima-quand-communication-et-populisme-prennent-le-dessus-sur-la-prevention-des-risques/#_ftn4> . Ils les emmènent en bus sur les lieux hautement contaminés afin de leur prouver qu’ils sont bel et bien en vie à leur retour, partant du postulat que la populace mal éduquée prétendrait à une mort subite au passage dans les zones radioactives. Ils confient le rôle d’ « éducateur » à ces jeunes recrues, désormais en charge de s’ouvrir auprès de leurs semblables et de témoigner de ce qu’ils ont vu. Ces jeunes âmes enrôlées malgré elles, auront pour rôle de calmer les tensions autour d’elles et ainsi permettre l’encouragement au retour des habitants à vivre dans l’ancienne zone d’évacuation.



    Conférence du 29 janvier 2018, au siège du journal « Mainichi », à l’occasion de la sortie de l’ouvrage : « 
    Repenser « la discrimination à Fukushima » pour être heureux. Photo : ©CécileBrice -

    Mais où est donc passé notre bonheur ?

    Accompagné de quelques témoins invités à évoquer le réconfort dans l’inconfort, et à prononcer des discours relevant plus de la méthode Coué que de la démarche scientifique, le binôme Hayano-Kainuma s’affiche, animant conférence sur conférence au programme des deux mois à venir. Dans ces séminaires, le principal procédé utilisé pour expliquer au public qu’il est responsable de la perte de son bonheur et innocenter les responsables de l’accident nucléaire, consiste en un retournement sémantique audacieux. Celui-ci a pour but d’imputer la responsabilité tant des maladies engendrées par la radioactivité et le désarroi lié à l’évacuation, non à l’explosion de la centrale, mais aux victimes elles-mêmes. Ainsi seraient coupables de la détresse régnante tous ceux qui, par leurs « angoisses exacerbées », répandraient un sentiment d’instabilité autour d’eux, voir dégageraient un climat à l’origine de leur propre stigmatisation puisque s’avouant contaminés...
    Nous partageons avec vous quelques « perles » parmi les divers messages diffusés :
    - la question des masques et autres signes extérieurs de protection pouvant engendrer la peur ou l’inquiétude des personnes avoisinantes qui, elles, ne porteraient pas de vêtements de protection, seraient à éviter.

    - Les voyages dans d’autres départements organisés par certaines associations pour la réhabilitation sanitaire des enfants afin de leur permettre des promenades libres en montagne ou en forêt, ce qui est impossible dans les régions touchées par la contamination à Fukushima, eux aussi, seraient à conjurer car présupposant un environnement initial contaminé.

    - le fait qu’il faudrait cesser les enquêtes sanitaires concernant le dépistage des cancers de la thyroïde trop coûteuses. Faisant fi des études épidémiologiques sur la question, les intervenants s’aventurent à dénoncer la terminologie de « cancer », cette maladie n’étant, selon eux, pas si mortelle. Cette appellation de « cancer » génèrerait inutilement la crainte des habitants, augmentant d’autant leur stress.

    Il s’agit donc de brandir la menace de ce qui pourrait advenir avec des « si » (si l’on fait une erreur en opérant d’un cancer de la thyroïde, vous pourriez avoir les cordes vocales coupées), contre une peur, dans les faits justifiée, de ce qui est déjà présent : la contamination.
    Afin d’éviter toute discussion avec l’assemblée des auditeurs présents (une soixantaine), les deux heures de présentation se terminent sans échange de questions-réponses avec la salle. L’affaire est donc close et les accusateurs accusés..


    Conférence du 29 janvier 2018 intitulée :
    « Pour dépasser les divergences et stigmatisations engendrées par l’accident nucléaire ». Traduction du texte affiché : « On ne connaît pas la mortalité (du cancer de la thyroïde). On opère ceux que l’on trouve. Mais il arrive qu’en faisant l’opération on touche les cordes vocales et que la voix ne sorte plus, ou encore que l’on blesse la thyroïde et que les hormones ne soient plus diffusées. » Transcription des paroles de Kodama Kazuya (professeur en biologie moléculaire). Photo©CécileBrice -

    La solution promulguée afin de résister à ce qu’ils désignent comme « rumeurs malsaines » véhiculées par les personnes pensant que la vie dans les territoires contaminées ne pourrait être saine (une drôle d’idée !), est un retour à la normale dans les villes contaminées. Les communes principalement visées sont celles de l’ancienne zone d’évacuation qui rouvrent une à une à l’habitat, malgré des taux de contamination encore très élevés.[5] <http://japosphere.blogs.liberation.fr/2018/02/20/fukushima-quand-communication-et-populisme-prennent-le-dessus-sur-la-prevention-des-risques/#_ftn5> Cette réouverture de la zone se fait de façon autoritaire puisque la sortie des communes de la zone d’évacuation engendre la coupure systématique des aides financières aux anciens résidents aujourd’hui réfugiés.

    Les motivations de la propagande au retour

    Cette volonté de revenir à une vie normale en zone contaminée est motivée par le coût jugé exorbitant de l’évacuation des populations dans le calcul des risques et des assurances couvrant les aléas des centrales nucléaires [6] <http://japosphere.blogs.liberation.fr/2018/02/20/fukushima-quand-communication-et-populisme-prennent-le-dessus-sur-la-prevention-des-risques/#_ftn6> . Avec pour conséquence une augmentation du coût de l’exploitation des centrales. Il faudrait donc limiter l’évacuation des populations en cas d’accident, leurs apprendre à assurer la décontamination elle-même, ainsi qu’ à vivre en territoire contaminé. En somme, l’élaboration d’une telle stratégie a pour but de rassurer les habitants afin de les former à la gestion des dégâts inhérents à l’exploitation des centrales nucléaires. A plus grande échelle, cette politique des entreprises du nucléaire vise à permettre la continuité de leur activité malgré une image catastrophique fondée sur des réalités qui ne le sont pas moins.
    C’est la raison pour laquelle, dans un même élan, AREVA, entreprise française désormais célèbre pour la mauvaise gestion de son activité mais également pour avoir vendu et pour continuer à exporter le combustible se trouvant à l’intérieur des centrales nucléaires japonaises (le MOX), vient d’être rebaptisée ORANO, affichant ainsi sa renaissance. D’un coup d’un seul, alors qu’Areva s’invente une nouvelle vie, Trump annonce une relance de l’activité du nucléaire aux Etats-Unis au moment où le Japon continue sa politique sur la communication du risque. Le but ultime est d’inculquer l’acceptation d’un nouvel atome pour la paix, tout en brandissant l’imminence d’un affrontement atomique avec la Corée du Nord.
    Ainsi, s’il importe d’agiter le drapeau de la menace militaire pour justifier la détention de l’arme toute puissante, il convient simultanément de faire taire la peur du danger sanitaire de l’atome, qui n’est pourtant plus un doute scientifique, de façon à engendrer son acceptation. Cette propagande active pour le consentement au nucléaire avait été mise en place après la seconde guerre mondiale, générant la construction de centrales nucléaires dans un Japon qui venait pourtant de subir l’explosion des bombes américaines de Hiroshima et Nagasaki. Faut-il que l’être ait la mémoire courte pour s’apprêter à entrer de nouveau dans l’ère nucléaire.

     


     

     

     

    [1] <http://japosphere.blogs.liberation.fr/2018/02/20/fukushima-quand-communication-et-populisme-prennent-le-dessus-sur-la-prevention-des-risques/#_ftnref1> Mainichi shinbun est l’un des principaux journaux japonais. Ce quotidien national est connu pour ses positions pro nucléaires.

    [2] <http://japosphere.blogs.liberation.fr/2018/02/20/fukushima-quand-communication-et-populisme-prennent-le-dessus-sur-la-prevention-des-risques/#_ftnref2> Indiqué sur le programme mais absent le jour même

    [3] <http://japosphere.blogs.liberation.fr/2018/02/20/fukushima-quand-communication-et-populisme-prennent-le-dessus-sur-la-prevention-des-risques/#_ftnref3> Voir à ce sujet notre article dans le Journal du CNRS : https://lejournal.cnrs.fr/articles/a-fukushima-la-... <https://lejournal.cnrs.fr/articles/a-fukushima-la-population-est-dans-une-situation-inextricable>

    « 
    Les acteurs impliqués dans la gestion du désastre japonais sont en partie les mêmes que ceux qui ont « géré » la crise nucléaire de Tchernobyl. C’est le cas notamment de Jacques Lochard, directeur du CEPN (Centre d’étude sur l’évaluation de la protection dans le domaine nucléaire), ainsi que du docteur Yamashita Shunichi, membre de la commission d’enquête sanitaire, l’un des premiers à avoir prôné le relèvement de la norme de sécurité à 100 mSv/an, ou encore du professeur Niwa de l’université médicale de Fukushima. Ce psychiatre argumente en faveur d’un retour des habitants en réponse aux taux de dépression et de suicide croissants liés à la douleur de l’éloignement de leur pays natal. De fait, les réfugiés sont privés de liberté de décision sur leur propre sort puisqu’on ne leur donne ni les moyens de pouvoir partir ni ceux de se réintégrer totalement. Autrement dit, on les contraint à devoir gérer leur quotidien dans un environnement contaminé. C’est justement l’objet du programme Ethos Fukushima, qui fait suite au programme Ethos Tchernobyl, l’un comme l’autre dirigés par Jacques Lochard et dans lesquels les docteurs Yamashita et Niwa jouent un rôle fondamental. Ce programme est basé sur le calcul du coût/bénéfice en matière de radioprotection et vise à apprendre aux habitants à gérer leur quotidien dans un environnement contaminé, la migration étant jugée trop coûteuse.”

    [4] <http://japosphere.blogs.liberation.fr/2018/02/20/fukushima-quand-communication-et-populisme-prennent-le-dessus-sur-la-prevention-des-risques/#_ftnref4> Par deux fois en 2016 et 2017. Voir notre article à ce sujet pour Sciences et Avenir,
    Fukushima, une catastrophe sans fin : https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environneme... <https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/nucleaire/tribune-fukushima-une-catastrophe-sans-fin_111224>

    [5] <http://japosphere.blogs.liberation.fr/2018/02/20/fukushima-quand-communication-et-populisme-prennent-le-dessus-sur-la-prevention-des-risques/#_ftnref5> Voir à ce sujet notre article dans la revue de l’ENS, Géoconfluences,
    Les migrants du nucléaire : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-sci... <http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/japon/un-autre-regard/migrants-du-nucleaire>

    [6] <http://japosphere.blogs.liberation.fr/2018/02/20/fukushima-quand-communication-et-populisme-prennent-le-dessus-sur-la-prevention-des-risques/#_ftnref6> Voir à ce sujet notre article dans Libération
    , La légende Fukushima :

    http://www.liberation.fr/terre/2014/09/23/la-legen... <http://www.liberation..fr/terre/2014/09/23/la-legende-fukushima_1106968>
     
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    Cécile Asanuma-Brice, est chercheuse en sociologie Urbaine. Docteur de l’EHESS (école des hautes études en Sciences Sociales), ses recherches sont axées sur l’analyse des motivations à l’origine de la production de l’urbain au Japon. En 2000, Cécile Asanuma-Brice intègre l’école d’ingénierie de l’université de Chiba au Japon, ses recherches sont alors financées par le Ministère de la recherche Japonais.

    En 2005, elle participe à la création d’un bureau mêlant architecture et sociologie urbaine autour de l’architecte Maruyama Kinya, avec pour but la sensibilisation à un autre urbain possible, via des constructions participatives dans diverses régions du Japon et d’Indonésie.

    Résidente permanente au Japon, Cécile Asanuma-Brice étudie parallèlement les processus de transformation des paysages urbains par les politiques de logement, leur place et conséquences au sein de la société de sur-consommation japonaise. Ses analyses ont permis la mise en évidence des logiques sous-jacentes de la production des villes dans les pays « capitalisés ». Cela l’amène en 2011, à déchiffrer la protection de la population à Fukushima via de nombreux articles, documentaires et interviews sur le sujet.

    Ecrivain et photographe, elle est également auteur de compositions photographiques exposées notamment à Tôkyô, Yokohama et Fukushima : https://www.lalogec.com
     <https://www.lalogec.com>

     

     

     

     


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  • Fukushima Le retour des réfugiés

    Ou les prémices d'un holocauste nucléaire

    Aucune région du monde n'est à l'abri d'une catastrophe nucléaire. Difficile d'imaginer ce qui se passerait en France si cela devait arriver. Sans aucun doute possible, la plus grande partie des habitants seraient exposés, de force, au irradiations. Imaginons une débâcle sans nom, un sauve qui peut illusoire aux allures de guerre civile. 

    L'épée de Damoclès n'a jamais été aussi près...

    Gaulois.

     

    Le retour contraint et forcé des réfugiés de Fukushima

     

    10 mars 2017 Émilie Massemin (Reporterre) 

     

    https://reporterre.net/Le-retour-contraint-et-force-des-refugies-de-Fukushima

     



     

     Six ans après la catastrophe nucléaire de Fukushima-Daiichi, les réfugiés de la radioactivité se voient contraints de rentrer dans leurs villages contaminés. Une aberration dénoncée par le chercheur indépendant japonais Shinzô Kimura.

     

    « Les habitants du département de Fukushima ne sont que des pions dans la politique du gouvernement, qui souhaite remobiliser au plus vite la population en faveur du nucléaire. » Cette conclusion amère, le professeur Shinzô Kimura, associé à l’université de médecine Dokkyô, l’a tirée de six années à arpenter le département de Fukushima. Après le tremblement de terre et le tsunami qui ont provoqué la catastrophe nucléaire de Fukushima-Daiichi, le 11 mars 2011, ce fonctionnaire spécialiste de la radioprotection a démissionné de son poste au ministère de la Santé et du Travail après qu’on lui a refusé d’enquêter dans les communes situées à proximité de la centrale ravagée. De passage à Paris, mardi 7 mars, il a alerté les étudiants de l’Inalco (l’Institut national des langues et civilisations orientales) sur le sort des réfugiés de Fukushima.

     

    Le professeur Shinzô Kimura, à Paris, le 7 mars.

     

    Au prétexte que le programme de décontamination a bien avancé, le gouvernement a fixé au 31 mars 2017 la fin des aides financières au logement pour quelque 26.600 personnes parties « de leur propre initiative », selon la nomenclature officielle. Après l’accident, plus de 160.000 personnes avaient été évacuées. Les autorités avaient ordonné les évacuations en fonction des niveaux de radioactivité relevés. Là où le seuil n’était pas atteint, les habitants avaient le choix entre rester ou partir, celles et ceux préférant fuir les radiations bénéficiant de soutiens financiers.

     

    La situation d’Iitate par rapport à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi.

     

    Pour M. Kimura, cette politique de retour est une aberration, comme l’illustre la situation de la commune d’Iitaté. Avant la catastrophe, 6.200 personnes habitaient cette paisible bourgade ceinturée de montagnes et de forêts, à une quarantaine de kilomètres de la centrale. Aujourd’hui, « seuls 10 % souhaitent revenir ». Idem dans la commune de Kawauchi : sur 2.734 habitants, seuls 703 auraient définitivement réintégré leurs foyers, contre 1.870 selon les chiffres officiels. Si les réfugiés de Fukushima rechignent autant à regagner leurs pénates, en particulier les jeunes, c’est qu’ils redoutent la radioactivité et « ont pris goût à la vie en ville », remarque M. Kimura. Mais la fin des aides au logement va lourdement pénaliser ces partisans de l’exil. « Ces personnes qui ne touchent plus d’indemnités et doivent quitter les logements temporaires vont se transformer en une population qui n’a plus d’argent, ne peut plus se nourrir », s’inquiète le professeur.

     

    Les seuils d’exposition « acceptable » à la radioactivité ont été relevés

     

    Quant à celles et ceux qui choisiront, contraints et forcés, de regagner leur commune d’origine, ils devront vivre avec la menace sourde de radiations potentiellement mortelles. Pour gérer la crise, le gouvernement a fortement augmenté le seuil de radioactivité acceptable : entre 20 et 100 millisieverts par an. Or, « ce seuil correspond aux doses recommandées par la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) en cas d’urgence, dans une situation post-accidentelle, souligne M. Kimura. Aujourd’hui, six années après, la situation ne relève plus d’un cas d’urgence ! » Les niveaux d’exposition maximum préconisés par le CIPR pour la vie courante en zone contaminée sont plus faibles : entre 1 et 20 millisieverts par an.

     

    La mairie d’Iitate, en 2008.

     

    Les niveaux de contamination dans les communes concernées par les retours restent importants. À Iitaté, M. Kimura a mesuré le rayonnement à 0,66 microsievert par heure, contre 0,04 microsievert avant l’accident. Là où le dosimètre installé par le gouvernement, planté dans du béton et de la terre décontaminée, n’affiche « que » 0,53 microsievert…

     

    Que risquent les habitants exposés, jour après jour, à de tels niveaux de radiation ? Le professeur se montre prudent : « Il faut dix à vingt ans pour mesurer les conséquences d’une telle exposition, mais on assistera sans doute à une augmentation du nombre de cancers », sachant que « plus de soixante ans après l’explosion des bombes de Hiroshima et Nagasaki, on découvre encore de nouvelles maladies ». Pour l’heure, le gouvernement japonais a lancé un suivi médical du cancer de la thyroïde chez les moins de 18 ans résidant dans le département de Fukushima. Selon les chiffres publiés le 27 décembre 2016, 144 cas ont été officiellement confirmés depuis la catastrophe.

     

    Des territoires désertés, une agriculture détruite

     

    Outre la radioactivité, d’autres difficultés attendent les revenants. Les hôpitaux sont vides — le magnifique établissement à 9 millions d’euros construit à Iitaté pour encourager les candidats au retour ne compte qu’un seul médecin. L’agriculture locale a particulièrement souffert. À Shidamyo, « le territoire a été façonné par la culture traditionnelle du satoyama, des rizières entourées de montagnes et de forêts. L’herbe des pâturages nourrit le bétail, qui fertilise les rizières dont la paille nourrit les animaux l’hiver. Mais tout ce cycle a été détruit par la radioactivité », se désole M. Kimura. En effet, si l’agriculture est autorisée, sauf dans les zones classées inhabitables, les paysans peinent à vendre leur production contaminée. « À Kawauchi, un jeune agriculteur ambitieux a travaillé très dur pour améliorer ses rendements, mais il n’a pu vendre son riz ni en 2013 ni en 2014, à cause de la contamination, raconte le professeur. Il a mis fin à ses jours en 2015. Il avait 35 ans. » Son cas est loin d’être isolé : depuis la catastrophe, le nombre de suicides a explosé chez les habitants et les réfugiés de Fukushima.

     

     

    Pourtant, le gouvernement japonais s’entête à vouloir sauver les apparences. « Son objectif est de généraliser sa politique de retour à l’ensemble des communes, y compris celles qui sont encore très contaminées, d’ici à 2021, explique Shinzô Kimura. L’idée, c’est qu’il faut absolument éviter l’image de Tchernobyl à Fukushima. » Mais pour le scientifique, qui arpente depuis six ans les terres dévastées de Fukushima, c’est clair : « Le retour à une vie normale est illusoire. »

     



     




     


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  • Fukushima ne fait que commencer !

    Un article édifiant !

    Japon : pic de radiation et trou béant dans les entrailles de Fukushima

     

    Par Arnaud Vaulerin, correspondant au Japon — 3 février 2017 à 09:01

     

    http://www.liberation.fr/planete/2017/02/03/japon-pic-de-radiation-et-trou-beant-dans-les-entrailles-de-fukushima_1546005

     

    Vue de la centrale de Fukushima, le 11 mars 2016. Photo AFP

     

    La compagnie électrique Tepco dit avoir relevé des taux mortels de plus de 500 sieverts au niveau du réacteur 2 de la centrale nucléaire ravagée par le tsunami du 11 mars 2011.

     

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       Japon : pic de radiation et trou béant dans les entrailles de Fukushima

     

     

     

    Dans son grand chantier de démantèlement de la centrale de Fukushima-daiichi, Tepco vient de faire des découvertes qui risquent de compliquer sa mission. Jeudi, la compagnie électrique qui gère le site endommagé par le tsunami et l’accident du nucléaire de mars 2011, a dit avoir relevé des taux de radiations records : 530 sieverts par heure dans la partie basse de l’enceinte de confinement du réacteur 2, l’un des plus endommagés sur les six unités du site installé en bordure du Pacifique. Il est possible que ce taux astronomique soit dû au fait qu'une partie du combustible fondu ne soit pas immergé dans les eaux de refroidissement, comme l'avance Miyano Hiroshi, professeur émérite de l’université Hôsei, à la NHK

     

    Même si, comme l’a précisé Tepco à la presse japonaise, il faut tenir compte d’une marge d’erreur de 30%, le chiffre constaté reste très au-delà du précédent record de 73 sieverts établi en 2012 sur ce même réacteur. Avec de tels niveaux de rayonnement, «inimaginables» selon des experts japonais cités par l’agence Kyodo, la mort est quasi instantanée pour l’être humain.

     

    Selon les recommandations de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR), les ouvriers du nucléaire en milieu radioactif ne doivent pas être exposés à des doses efficaces et supérieures à 20 millisieverts (mSv) par an, «moyennées sur des périodes définies de cinq ans», indique la CPIR, soit 100 mSv. On s’est rendu compte qu’au-delà de ce seuil, le risque de leucémie s’accroît significativement.

    Un magma très radioactif

     

    Depuis la fin décembre, Tokyo Electric company a percé une petite ouverture dans l’enceinte de confinement du réacteur 2. La compagnie cherche à déterminer quel est l’état du cœur des réacteurs, ce magma extrêmement radioactif constitué de débris et de barres de combustibles qui ont fondu dans les heures qui ont suivi le 11 mars 2011. Selon des calculs de l’Institut international de recherche sur le démantèlement nucléaire, ce corium représenterait une masse globale de 880 tonnes réparties entre les unités 1,2 et 3 de Fukushima. Tepco cherche également à localiser où se situe précisément ce magma.

     

    Fin janvier, elle a donc envoyé une petite caméra fixée sur un bras télescopique de guidage qui doit parcourir une dizaine de mètres. Avant d’expédier un robot d’ici à la fin du mois, la compagnie électrique a ainsi réalisé une petite vidéo (visible ici) qui permet d’apercevoir une petite partie des entrailles de réacteur.

     

    Dans le flot d’images filmées, Tepco a publié des clichés où l’on voit nettement qu’un piédestal en forme de plateforme grillagée est nettement enfoncé sur une surface carrée d’un mètre sur un mètre environ. Ce trou pourrait être causé par la chute de structures, de barres de combustibles fondus. Si cette hypothèse devait se confirmer, ce serait la première fois que Tepco localise le corium au sein de l’un de ses réacteu

     

    En début de semaine, la compagnie avait déjà publié des images - difficiles à lire pour des novices - tendant à montrer l’existence de ce combustible fondu. On y voyait des sortes de pâtés noirs éparpillés sur une structure métallique grillagée dans la partie inférieure de l’enceinte de confinement. Cela pourrait indiquer que le carburant a fondu et s’est répandu sur le plancher de cette enceinte.

    Robots en rade

     

    Le robot que Tepco prévoit d’envoyer dans les prochains jours dans cette partie de l’unité 2 permettra peut-être d’en apprendre plus. Censé supporter des radiations de l’ordre de 1000 sieverts, l’engin pourra fonctionner environ deux heures si l’on se fie au niveau de 530 sieverts relevés ces derniers jours. Ces derniers mois, deux robots expédiés en mission au sein des réacteurs sont déjà tombés en panne à cause de trop fortes radiations.

     

    Celles-ci risquent de faire ralentir les travaux de démantèlement. Tepco ambitionne de commencer à retirer les combustibles fondus à partir de 2021. Mais elle doit encore finaliser la méthode pour y parvenir. Selon une étude du ministère de l’Economie, du commerce et de l’industrie (Meti) publiée en décembre, le seul démantèlement des réacteurs devrait coûter au minimum 8 trillions de yens (autour de 65,9 milliards d’euros), soit quatre fois ce qui était initialement envisagé. Au final, la facture atteindrait les 177 milliards d’euros pour démanteler, indemniser les riverains et décontaminer l'environnement. Ce retrait des combustibles reste la plus risquée de toutes les opérations de ce grand nettoyage de Fukushima-daiichi, prévu pour durer au moins quarante ans. 

     

    Arnaud Vaulerin correspondant au Japon

     


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  • Fukushima – 5 ans après

     Entre information et survie.

     

     

    Comme Tchernobyl, Fukushima n'a pas fini de faire parler, mais surtout d'engendrer de la souffrance pour les populations, ceci pendant de longues décennies. Il est loin, le temps ou l'on pourra commémorer ces catastrophes. En effet, celles-ci ne font que commencer. Trente ans pour la première, cinq ans pour la seconde. Autant dire hier à l'échelle de la radioactivité qui dure des siècles, des millénaires, selon les radioéléments utilisés ou produits par les réacteurs nucléaires.

    Ces deux documents, de sources différentes n'ont pas de contradiction sur la finalité, l'information. Celle qui fait tant défaut venant de l'exécutif, du Japon comme ailleurs.

    Si le rapport IPPNW est un peu plus technique, il n'en demeure pas moins une base de données à peu près compréhensible pour les citoyens soucieux d’appréhender quelques vérités sur ce que la secte nucléocrate leur réserve.

    Le document de Sciences et avenir relate l'ambiance politico-social de la région de Fukushima.

    Ces documents sont à prendre en considération et, n'en doutez pas, ce qui se passerait en France après une catastrophe de l'ampleur de Tchernobyl ou Fukushima, a de quoi faire frémir. Sans excès de pessimisme, cette catastrophe-là n'est peut-être pas si éloignée.....

    Gaulois.  

     

     

     


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  • Revenir ou pas à Fukushima ?

    A Fukushima, nous assistons à la même désinformation post catastrophe de Tchernobyl, grâce à la politique du gouvernement japonais. C'est-à-dire une effroyable propagande orchestrée sous l'impulsion de la secte nucléaire, l'AIEA ( Agence Internationale de l’Énergie Atomique )
    Il ne fait aucun doute que le retour des populations à Fukushima posera, à terme, des problèmes graves de santé. Les nucléocrates jouent avec la durée de déclenchement des maladies dues à la contamination. Ces maladies se déclenchent des années après l'exposition à la contamination régulière des faibles doses de radioactivité.    
    Bien que l'article n'est pas en relation directe avec ce lien, je vous invite à le consulter car extrêmement bien documenté :  http://www.fukushima-blog.com/

     

    Gaulois.


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  • Qui ne connaît pas Fukushima ?

    Les médias, à tors ou à raison, nous abreuvent de vraies-fausses informations sur la catastrophe de Fukushima. Pratiquement inconnue jusqu'au 11 mars 2011, personne aujourd'hui n'en ignore l’existence. A contrario, qui se soucie de la catastrophe, en dehors de la population locale ?
    Tant que ce type de catastrophe arrive à des milliers de kilomètres, la gravité est inversement proportionnelle à la distance. Les nucléocrates eux, mettent bien davantage l'accent sur le séisme et ses conséquences directes. C'est bien pratique pour masquer l'horreur de cette « seconde catastrophe » qui a suivi de très près le séisme. Il se dit que même en absence de séisme, la centrale de Fukushima aurait explosé. Ce qui reste à démontrer car nous connaissons les pratiques de désinformation de la secte nucléaire.
    Il reste que Fukushima restera tristement célèbre et de sinistre mémoire dans les esprits. Comme à Tchernobyl, les victimes des irradiations vont se compter par centaines milliers dans un avenir pas si lointain. Elles tomberont dans les abîmes de l'oubli, savamment entretenus par les basses œuvres de la désinformation à outrance.
    Toutes les sectes sont redoutables. La secte nucléaire est de loin la plus dangereuse.
    Gaulois.


    De quoi Fukushima est-il le nom ?

    Réflexions sur la catastrophe du 11/3 et son exotisation
    samedi 14 mars 2015

    http://www.fairea.fr/spip.php?article53

    par Chikako Mori
    11 mars 2015
     

    Chikako Mori est sociologue, maîtresse de conférences à l’université Hitotsubashi (Tokyo). Cet article est paru également dans le journal Le Monde. Il a été publié sur 

    http://lmsi.net/De-quoi-Fukushima-est-il-le-nom

    avec l’amicale autorisation de son auteure.
     

    De quoi Fukushima est-il le nom ?
    Réflexions sur la catastrophe du 11/3 et son exotisation
    Il y a quatre ans, le 11 mars 2011, un séisme, de magnitude 9 survenu au large de l’île de Honshu fut suivi d’un tsunami qui a provoqué 21 000 morts et disparus. Puis, un accident nucléaire, le plus grave depuis celui de Tchernobyl en 1986, se produisit dans la centrale Fukushima. Le texte qui suit revient sur cet événement, et sur les enjeux de sa nomination : "11 Mars" au Japon, "Fukushima" partout ailleurs...
    Si le débat sur le nucléaire n’occupe qu’une place modeste dans la campagne présidentielle, presque plus personne, en France et dans le monde, n’ignore le nom de Fukushima : très peu connu jusqu’à l’accident du 11 mars 2011, le nom de cette préfecture située sur la côte nord-est du Japon trouve aujourd’hui un écho planétaire. Des organes de presse ont même créé pour l’occasion une rubrique "Fukushima". Tout comme Tchernobyl, et davantage que Three Mile Island, ce nom est désormais un synonyme de catastrophe nucléaire.
    Force est de constater, pourtant, que l’ensemble des Japonais (médias, intellectuels, hommes politiques et les sinistrés eux-mêmes) désigne cet événement non par ce nom de lieu, mais par sa date : le 11 mars. C’est d’ailleurs cette appellation qui a été retenue, à l’unanimité, lors du Congrès mondial contre le nucléaire qui s’est tenu en janvier à Yokohama. Dès lors, la question se pose : pourquoi ce glissement d’une date à un lieu ? Et en quoi ce problème de dénomination est-il important, eu égard à un phénomène aussi grave, classé au niveau 7, le plus élevé sur l’échelle internationale ?
    S’il est préférable de nommer cet événement le "11 mars", c’est d’abord que le nom de Fukushima se révèle trompeur. D’une part, la préfecture (d’une superficie de 13 782 km2) est très inégalement touchée par le rayonnement nucléaire : la région côtière est gravement contaminée tandis que, dans l’arrière-pays, les dégâts nucléaires, sans être inexistants, sont d’un niveau comparable à celui de l’agglomération de Tokyo.
    D’autre part, plusieurs régions qui n’appartiennent pas à cette préfecture (le sud de Miyagi ou le nord d’Ibaragi par exemple) sont également atteintes. La contamination ne se limite pas aux frontières administratives, elle ne se réduit donc pas au nom de Fukushima.
    De surcroît, si on lui laisse porter tout le poids de cette catastrophe, ce nom risque de constituer un symbole d’horreur qui génère des discriminations. Déjà, des enfants réfugiés de Fukushima ont été rejetés à l’école par peur de la "contamination radioactive". Certaines mères tentent même de faire modifier le lieu de naissance de leurs enfants à l’état civil pour y effacer le nom de Fukushima. Personne ne veut plus acheter désormais de produits de Fukushima, et les agriculteurs qui s’efforcent de sauver une partie de leur récolte sont quasiment traités comme des criminels.
    Lors de mon passage dans la région, j’ai été frappée par les propos de deux écolières de 11 ans : "Nous, les filles de Fukushima, ne pouvons plus nous marier. On dit que nous ne devons jamais porter d’enfants." Ces paroles m’ont rappelé la jeune héroïne de Pluie noire - le célèbre roman de Masuji Ibuse paru en 1966, adapté au cinéma par Shohei Imamura et primé à Cannes en 1989 - qui n’arrive pas à se marier parce qu’elle a été irradiée à Hiroshima. Sous le nom propre de Fukushima, les victimes sont de plus en plus considérées comme des agresseurs, voire traitées comme des démons.
    Enfin, invoquer "Fukushima" pour désigner la catastrophe empêche de prendre conscience que la vie de beaucoup d’autres Japonais a complètement changé depuis cette date. Dans la ville d’Iwaki, à 60 kilomètres de la centrale, les habitants vérifient chaque matin lors du bulletin météo le taux de radioactivité de leur quartier. Les enfants vont désormais à l’école munis d’un dosimètre distribué par la préfecture.
    Les mères échangent des recettes de cuisine qui peuvent limiter, paraît-il, la contamination alimentaire : les concombres marinés au vinaigre, les carottes pelées et bouillies longtemps dans l’eau salée, ce qui permettrait de réduire les niveaux de césium... Le nucléaire pénètre jusque dans les conversations quotidiennes : plutôt que de dire : "Il fait doux aujourd’hui, pourvu qu’il fasse plus doux demain", on dit désormais : "Le taux radioactif a baissé aujourd’hui, pourvu qu’il baisse encore demain."
    Or, l’avènement de ce nouveau mode de vie ne touche pas que les zones proches des centrales accidentées. Même à Tokyo, certaines mères d’enfants en bas âge ne vont plus dans les supermarchés, leur préférant la vente par correspondance de légumes cultivés dans le sud.
    La contamination atteint notre langage même. Une nouvelle expression est née depuis l’accident : pour faire circuler des informations, on emploie désormais le mot kaku-san ("diffusion"), qui était auparavant réservé aux matières chimiques et radioactives. Sur ce sujet, on se reportera au livre de Michaël Ferrier, Fukushima. Récit d’un désastre [1], qui décrit bien cette nouvelle façon de vivre, ni tout à fait vivante, ni tout à fait morte, qu’il nomme "la demi-vie".
    On ne nomme pas un événement par hasard. La comparaison, non pas avec la Shoah bien sûr, mais avec la façon dont en France le film de Claude Lanzmann a fini par imposer ce nom, à la place d’"holocauste", pour affirmer l’unicité de cet événement dans l’histoire, nous invite à réfléchir sur les raisons pour lesquelles "Fukushima" prévaut en dehors du Japon. Un fait attire l’attention : après l’attentat qui a frappé le 11 septembre 2001 les tours jumelles du World Trade Center, nul n’a utilisé le nom de "Manhattan". C’est au contraire une date qui a été adoptée par le monde entier, celle du 11 septembre, devenue depuis lors un nom propre : 9/11 (nine eleven), 11-Septembre. Une telle dénomination s’est imposée avec la conscience que ce drame n’affectait pas seulement les New-Yorkais ou les Américains, mais l’humanité dans son ensemble.
    Bien sûr, nul n’ignore que l’appellation "Fukushima" s’est imposée à l’étranger pour des raisons géographiques, parce que, tout comme Tchernobyl ou Hiroshima, "Fukushima" se réfère à la région où le désastre a eu lieu. Mais ces noms de lieux n’éloignent-ils pas l’événement dans une imprécision exotique en laissant confusément à penser que l’accident nucléaire, c’est toujours le problème des autres ?
    D’une certaine manière, le mal est déjà fait : "Fukushima" est aujourd’hui employé au détriment du "11 mars" pour nommer cet événement. Mais c’est précisément la raison pour laquelle nous devons faire attention à ce dont Fukushima est le nom : afin qu’il ne reste pas ce nom à consonance étrangère, qui a pour effet - et peut-être pour fonction - de particulariser le problème, et afin de ne pas considérer cette réalité comme un cataclysme étranger qui ne nous concernerait que de loin.
    [1] Gallimard, 272 p., 18,50 €


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  • Fukushima 4 ans après - Suite

    Faut-il s'étonner de telles situations ? Tchernobyl, Fukushima. Peut-on rester indifférent, lorsque l'on actionne l'interrupteur de nos appareils électriques.....Nucléaires. 

    Les drames que vivent ces populations sont similaires à une situation de guerre. Dans cet article, il est dit :

    " Le gouvernement Japonnais entretient soigneusement l'idée d'un retour possible et tend à rouvrir progressivement les zones qui étaient interdites à l'habitation "

    C'est à rapprocher de la formule citée par l'OMS dans son rapport n° 151 de 1958 :

    http://whqlibdoc.who.int/trs/WHO_TRS_151_fre.pdf  
    Bas de page 50

     "Cependant, du point de vue de la santé mentale, la solution la plus satisfaisante pour l'avenir des utilisations pacifiques de l'énergie atomique serait de voir monter une nouvelle génération qui aurait appris à s'accommoder de l'ignorance et de l'incertitude et qui, pour citer Joseph Addison, le poète anglais du XVIIIe siècle, saurait “chevaucher l'ouragan et diriger la tempête”

    Ça fait peur ! Comme tout ce qui est lié au nucléaire...

    Gaulois.

    « À Fukushima, la population est dans une situation inextricable »

    11.03.2015, par
    Louise Lis

     https://lejournal.cnrs.fr/articles/a-fukushima-la-population-est-dans-une-situation-inextricable

     

    Logements provisoires pour personnes déplacées dans la municipalité de Minamisoma, dans la région de Fukushima.


    Quatre ans après l’explosion d’une centrale nucléaire à Fukushima, le sort des populations concernées est loin d’être réglé. La chercheuse Cécile Asanuma-Brice décrypte la politique qui vise à inciter ces personnes à réintégrer les zones encore contaminées.
    Résidente au Japon depuis près de quinze ans, Cécile Asanuma-Brice travaille au bureau du CNRS à Tokyo et est chercheuse associée au centre de recherche de la Maison franco-japonaise de Tokyo et au Laboratoire international associé « Protection humaine et réponse au désastre » (HPDR) créé par le CNRS et d’autres institutions françaises et japonaises, à la suite de la catastrophe de Fukushima. Le 11 mars 2011, un tremblement de terre suivi d’un tsunami avait provoqué l’explosion, le lendemain, d’une centrale nucléaire dans cette région.
     
    Combien de personnes restent déplacées ? Dans quelles conditions vivent-elles ?
    Cécile Asanuma-Brice : Le gouvernement japonais fait état de 118 812 personnes déplacées1, dont 73 077 à l’intérieur du département de Fukushima et 45 735 à l’extérieur, ce qui représente une baisse puisque les mêmes statistiques officielles affichaient 160 000 personnes déplacées en 2011, quelques mois après la catastrophe. En réalité, le nombre de personnes déplacées est bien plus élevé que cela. Car le système d’enregistrement mis en place par l’Administration est extrêmement contraignant et une partie non négligeable des habitants n’a pas voulu s’y plier. J’ai personnellement interviewé plusieurs familles regroupées au sein d’associations qui ont refusé cet enregistrement, car cela aboutissait à leur faire perdre des droits, notamment quant à la gratuité de leur suivi médical.
    Dans un premier temps, le gouvernement japonais a ouvert à la gratuité le parc des logements publics vacants sur l’ensemble du territoire aux personnes qui souhaitaient s’installer ailleurs. Cette mesure était positive, même si elle ne s’est pas accompagnée de politiques d’aide à l’emploi qui auraient permis une intégration durable des nouveaux migrants dans les territoires d’accueil. En outre, cette directive a pris fin en décembre 2012. Simultanément, des logements provisoires ont été construits mais en partie sur des zones contaminées selon la carte de répartition de la contamination produite par le ministère de la Recherche du gouvernement japonais.
    Dans la loi, la vie dans ces logements est limitée à deux ans en raison de l’inconfort des lieux. Mais le provisoire est en train de durer. Les réfugiés qui vivent sur ces terrains vacants aux marges des villes ont à leur charge la consommation d’électricité, de gaz et d’eau, et sont également contraints d’acheter les aliments qu’ils produisaient autrefois, la plupart d’entre eux étant fermiers. Le revenu de compensation de 100 000 yens (environ 750 euros, NDLR) par mois qui leur est versé par Tepco, l’entreprise de gestion de la centrale, est insuffisant pour couvrir ces frais. Enfin, des logiques de discrimination commencent à apparaître, pointant les réfugiés comme des « assistés », ce qui est extrêmement mal considéré dans un pays qui place très haut la valeur du travail.

     

    Le 9 novembre 2013, M. Ônuma et son épouse sont venus déposer les os de leur défunt au temple de Futaba, leur ville d’origine aujourd’hui inhabitable à cause de la radioactivité. Sur le portique derrière eux, on peut lire : «Le nucléaire, l’énergie pour un futur radieux.»

    Les populations expriment-elles le souhait de rentrer chez elles ? Quel est l’état d’esprit dominant ?
    C. A.-B. : Beaucoup de familles sont installées loin de leur village d’origine tandis que les pères continuent de travailler dans le département où elles vivaient. Une majorité d’entre elles sont propriétaires de leur maison ou appartement ; elles ont emprunté pour cela et il leur est par conséquent très difficile de tout abandonner sans l’application d’un droit au refuge, soit l’assurance d’une compensation financière et d’une aide à la recherche d’emploi dans la région d’accueil. Cela serait envisageable si l’on considère les sommes faramineuses consacrées à la décontamination inefficace des territoires. Ces habitants sont mis dans une situation inextricable et cela se traduit par un taux de divorce élevé, de même que celui des suicides et des dépressions nerveuses…
    Néanmoins, le gouvernement entretient soigneusement l’idée d’un retour possible et tend à rouvrir progressivement les zones qui étaient interdites à l’habitation. Ainsi, la zone de réglementation spéciale qui recouvrait les neuf collectivités locales autour de la centrale a été totalement supprimée, ce qui recouvre une population de 76 420 personnes. Un peu moins de deux tiers d’entre elles – 51 360 personnes exactement – se trouvent dans la zone de « préparation à l’annulation de la directive d’évacuation » – dont le taux de contamination est en deça de 20 millisieverts (mSv) –, ce qui signifie qu’elles peuvent se déplacer librement dans cette zone durant la journée afin d’entretenir leur habitat ou d’y travailler. L’annulation de la directive a été effective en partie en 2014. Dans la zone de restriction de résidence, qui concerne 25 % des habitants (19 230 personnes), il est permis d’entrer et de sortir librement pendant la journée mais pas de travailler.

     

    En février 2012, des citoyens se sont rendus au parlement afin de demander le vote du droit au refuge. La loi de protection des victimes du désastre sera votée en juin de la même année mais restera vide de toute prérogative...

    Vous dénoncez l’abus du concept de résilience, utilisé pour, dites-vous, « assigner la population à demeure ».
    C. A.-B. : Pour convaincre les gens de revenir, les pouvoirs publics s’appuient sur le concept de résilience qui fait, en l’espèce, l’objet d’un abus épistémologique : des approches concernant la résilience psychologique, écologique et urbaine sont mélangées afin de suggérer l’abandon de la fuite à ceux qui obéiraient encore à leur instinct primaire d’angoisse face aux dangers ! La communication sur le risque joue un rôle important pour faire passer ce concept de résilience. Il faut faire admettre que nous vivons désormais dans « la société du risque » pour reprendre le titre d’un ouvrage d’Ulrich Beck qui a théorisé cette idée. La société du risque, selon lui, c’est une société où l’état d’exception menace d’y devenir un état normal. Dans le cas présent, les normes de protection sont bouleversées pour limiter la surface de la zone d’évacuation et permettre l’illusion d’un retour à la normal.

    Ainsi, le taux de radioactivité dans l’air comme au sol excède par endroits dix à vingt fois le taux de contamination internationalement admis comme acceptable pour la population civile, soit 1 mSv/an. Dès avril 2011, les autorités ont relevé cette norme à 20 mSv/an dans la région la plus polluée, et il est actuellement question de la relever à 100 mSv/an ! Même chose dans l’alimentation, où le taux d’acceptabilité maximal de la radioactivité a varié. Cette stratégie de communication a disposé en 2014 d’un budget de plus 2 millions d’euros qui ont permis, si j’ose dire, « d’éduquer » aux risques sanitaires pour mieux rassurer, par le biais, par exemple, de l’organisation d’ateliers sur la radioactivité et le cancer destinés aux écoliers de classes primaires de la région de Fukushima, de la distribution de manuels scolaires apprenant à gérer la vie dans un environnement contaminé, ou encore de campagnes télévisuelles pour des produits frais en provenance de la zone contaminée vantant l’efficacité de la décontamination, qui n’a toujours pas été prouvée.

    Publicité pour la vente de fruits et légumes en provenance de la région de Fukushima. En haut et en orange, il est écrit : «Soutenons les agriculteurs de Fukushima !»

    Cette stratégie repose sur un programme déjà appliqué à Tchernobyl.
    C. A.-B. : Les acteurs impliqués dans la gestion du désastre japonais sont en partie les mêmes que ceux qui ont « géré » la crise nucléaire de Tchernobyl. C’est le cas notamment de Jacques Lochard, directeur du CEPN (Centre d’étude sur l’évaluation de la protection dans le domaine nucléaire), ainsi que du docteur Yamashita Shunichi, membre de la commission d’enquête sanitaire, l’un des premiers à avoir prôné le relèvement de la norme de sécurité à 100 mSv/an, ou encore du professeur Niwa de l’université médicale de Fukushima. Ce psychiatre argumente en faveur d’un retour des habitants en réponse aux taux de dépression et de suicide croissants liés à la douleur de l’éloignement de leur pays natal. De fait, les réfugiés sont privés de liberté de décision sur leur propre sort puisqu’on ne leur donne ni les moyens de pouvoir partir ni ceux de se réintégrer totalement. Autrement dit, on les contraint à devoir gérer leur quotidien dans un environnement contaminé. C’est justement l’objet du programme Ethos Fukushima, qui fait suite au programme Ethos Tchernobyl, l’un comme l’autre dirigés par Jacques Lochard et dans lesquels les docteurs Yamashita et Niwa jouent un rôle fondamental. Ce programme est basé sur le calcul du coût/bénéfice en matière de radioprotection et vise à apprendre aux habitants à gérer leur quotidien dans un environnement contaminé, la migration étant jugée trop coûteuse.

    La ville de Tomioka, à quelques kilomètres de la centrale, a été rouverte à la résidence.

    Ce programme a également pour but de relancer l’économie dans les régions touchées par la catastrophe, en incitant à la consommation de produits alimentaires issus des zones contaminées. Des accords sont ainsi passés avec des chaînes de supermarchés présentes sur l’ensemble du territoire et qui orientent leur distribution vers la vente d’articles quasi exclusivement en provenance des territoires touchés.
    Comment réagissent les populations concernées ?
    C. A.-B. : Ce lavage de cerveau fonctionne en partie, même si la résistance est de taille compte tenu de l’enjeu sanitaire. Il est vrai que cette politique de communication va très loin dans la manipulation des esprits. C’est ainsi que sont organisés des ateliers qui consistent à faire redécouvrir aux enfants qui sont partis la culture du terroir de leur origine. Du personnel administratif de la préfecture de Fukushima, entre autres des psychologues, prend donc contact avec des familles sur leur lieu de refuge, leur expliquant qu’ils souhaitent organiser des rencontres entre les enfants du même âge des anciennes classes dissolues de la région afin qu’ils ne perdent pas contact. Là, ils les font cuisiner ensemble en leur expliquant, notamment, la provenance de chaque ingrédient (par exemple le terroir des grands-parents). Ainsi, on crée la nostalgie chez l’enfant que l’on culpabilise d’avoir abandonné ses amis et son pays natal. Tout cela est créé de toutes pièces mais fonctionne malheureusement. L’enfant, alors qu’il commençait enfin à recréer de nouveaux repères dans sa ville d’accueil, rentre dans sa famille en demandant la date à laquelle ils retourneront chez eux, à Fukushima… Certaines familles ne sont pas dupes et luttent pour l’organisation de réseaux d’accueil des réfugiés qui visent à les aider à mieux s’insérer et organisent des séances durant lesquelles on explique les pièges dans lesquels il ne faut pas tomber.
    Notes
    1. Résultats de l’enquête de la préfecture de Fukushima au 30 janvier 2015.

     

     


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  • Fukushima, 4 ans après

    Nous pourrions écrire des encyclopédies sur la catastrophe de Fukushima, comme celle de Tchernobyl il y aura bientôt 30 ans. Rien ne remplacera jamais la prise de conscience de ces drames humains qui se jouent autour de ces accidents provoqués directement par la main inconsciente de l'homme. 
    Combien faudra-t-il encore d'accidents majeurs, avant que ces fous dangereux soient encore responsables de millions de nouvelles victimes.
    Le nucléaire est sur le point de s'écrouler, tel un château de carte, mais l'entêtement des responsables de la secte persistent, envers et contre tout. Il faut croire que cette technologie pourtant de plus en plus remise en cause à juste titre, tant sur le plan sécuritaire qu'économique profite aux décideurs.
    Comme toujours, il faut bien lire entre les lignes le fil de l'actualité distillée par des médias rarement objectifs.
    La naïveté, la passivité des populations, en particulier celles qui n'ont pas encore subi ces catastrophes peut faire peur. Pourtant, chaque citoyen de la planète est concerné. D'abord par la radioactivité qui s'amplifie lentement mais sûrement avec le temps. Ensuite sur le plan économique et social. La France, à travers AREVA, n'y échappe pas et les usagers de EDF vont bientôt réaliser pourquoi l'électricité-nucléaire est de plus en plus chère.

    L'actualité, à méditer.
    Gaulois.

    Fukushima: le témoignage posthume du directeur de la centrale

    Par Sébastien Pommier publié le 11/03/2015 à  09:21, mis à jour à  10:45

    http://news.lexpress.fr/fukushima-le-temoignage-posthume-du-directeur-de-la-centrale-5286

    Quatre ans jour pour jour après le tsunami et la catastrophe nucléaire de Fukushima, L'Express publie le témoignage du directeur de la centrale Tepco, Masao Yoshida, aujourd'hui décédé. Extraits.

    Quatre ans jour pour jour après le tsunami et la catastrophe nucléaire de Fukushima, L'Express publie le témoignage du directeur de la centrale Tepco, Masao Yoshida, aujourd'hui décédé. Extraits.
    [Inédit] C'était il y a quatre ans, le 11 mars 2011, à 14h46 heures locales, un séisme de magnitude 9 frappait au large des côtes japonaises, provoquant en cascade le pire désastre subi par le Japon depuis la Seconde Guerre mondiale. Au sein de la centrale de Fukushima Daiichi les coeurs de trois des six réacteurs entrent en fusion. Une première explosion saccage toute une partie du site, provocant la fuite d'une grande partie du personnel.
    Au coeur de la centrale opérée par Tepco, le directeur de l'époque, Masao Yoshida, tente de colmater les brèches et de refroidir coûte que coûte les réacteurs. Interrogé par une commission d'enquête gouvernementale, Masao Yoshida, décédé le 9 juillet 2013 d'un cancer de l'oesophage, témoigne, de l'attente de la vague jusqu'à l'arrivée des autorités sur le site.
    Un récit inédit qui s'appuie sur la publication en septembre dernier par le gouvernement japonais des 400 pages d'audition du directeur de la centrale. Des notes rendues publiques sous la pression de l'opinion. "Ces pages dévoilent une autre histoire: celle d'une équipe de travailleurs confrontés à un désastre annoncé. Une histoire qui, du reste, peut se lire comme un grand roman technique", note Franck Guarnieri, directeur de recherche à Mine Paris Tech qui édite le premier volume la traduction française de ce rapport d'enquête. Extraits.
    Juste après le séisme
    [Audition du 22/07, p. 98] À ce moment-là, j'étais surtout occupé à recevoir les rapports. Voyez-vous, l'ambiance, ce sont des rapports qui se succèdent sans discontinuer, quid du personnel? (et) des questions qui venaient du siège social, de la maison mère. L'ambiance de la salle à ce moment-là, c'est la confusion. (...) Tout le monde était bouleversé par le séisme, alors je me rappelle bien leur avoir dit de reprendre leur sang-froid. Ça, je le leur ai dit. Qu'il fallait qu'ils retrouvent leur sang-froid, qu'il ne fallait pas qu'ils s'affolent, qu'il fallait qu'ils procèdent aux vérifications posément. Je leur ai aussi dit qu'il allait y avoir des répliques, qu'il fallait prendre les mesures qui s'imposaient
    Après la vague
    [Audition du 22/07, p. 111] Là, pour être tout à fait franc, j'étais anéanti. Moi-même, je veux dire. Je me disais que nous étions face à une situation terrible. À l'évidence, nous allions vers un accident majeur et il fallait s'y préparer.
    [Audition du 22/07, p. 125] Nous sommes tous tellement terrassés que nous sommes sans voix. Nous nous attelons à des tâches administratives, comme la déclaration de la perte de tout courant alternatif, le fameux article 10. Mais, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, tout en accomplissant ces tâches administratives, émotionnellement, nous sommes anéantis. Non, nous ne crions pas.
    Après la fusion des trois réacteurs
    [Audition du 29/07, p. 187] Pour refroidir, la seule source dont nous pouvons disposer sans limite, c'est la mer. L'eau douce, comme on l'a dit tout à l'heure, est limitée. À un moment ou un autre, forcément, elle va s'épuiser. Alors, il n'y avait pas d'autre solution que d'envoyer de l'eau de mer. Il fallait refroidir à tout prix (...), trouver un moyen d'abaisser la pression de l'enceinte de confinement. Ensuite, injecter, injecter, injecter de l'eau dans le réacteur. Pour dompter cette chose qui était en train de se déchaîner, il n'y avait que ça, l'eau de mer.
    "Bande de tarés"
    [Audition du 29/07, p. 207] Disons que les choses n'allaient pas bien. C'est à ce moment-là qu'une nouvelle fois, on reçoit des pressions du siège. Arrête de discutailler, fais-ci, fais-ça. On entendait les anciens de la boîte vociférer derrière. Je n'avais qu'une envie, qu'ils me foutent la paix. L'éventage ? Mais bien sûr qu'on s'en occupait, bande de tarés!
    [Audition du 29/07, p. 270-271] Sur le terrain, on essaie de faire le maximum pour que les choses se déroulent au mieux plus tard et pour cela, il y a des étapes préliminaires. Mais ils n'arrivaient pas à le comprendre. Pour moi, que le nuage radioactif atteigne l'hélico du Premier ministre, ça m'est complètement égal. Je ne pensais qu'à faire baisser la pression au plus vite, qu'à injecter l'eau au plus vite, je n'avais que ça en tête

    A Fukushima, l’interminable décontamination

    LE MONDE
    10.03.2015 
    Pierre Le Hir

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/03/10/a-fukushima-l-interminable-decontamination_4590677_3244.html

     

    « Le Japon a fait des progrès significatifs. La situation sur le site s’est améliorée. Mais elle reste très compliquée. » Tel est le constat des experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui, mi-février, ont effectué une nouvelle mission d’inspection de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima.
    Une analyse partagée par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire français (IRSN) : « Un travail considérable a été réalisé avec d’énormes moyens. Mais le chantier est colossal et le plus gros reste à faire », estime Thierry Charles, directeur général adjoint chargé de la sûreté nucléaire.
    Quatre ans après le séisme et le tsunami du 11 mars 2011, qui ont ravagé la région de Tohoku, dans le nord-est de l’île de Honshu, et dévasté le complexe atomique de Fukushima-Daiichi, la bataille de la décontamination ne fait que commencer. La radioactivité demeure partout présente, dans les réacteurs éventrés comme dans les sous-sols gorgés d’eau qui continuent de souiller le Pacifique.
    Plus de 6 000 ouvriers se relaient en permanence – les niveaux de radiation obligeant à faire tourner les équipes – pour une gigantesque entreprise de démantèlement qui ne sera pas achevée avant trente ou quarante ans.
    Véritable passoire
    A court terme, la gestion des eaux contaminées reste le principal défi pour l’opérateur du site, la société Tepco. Car la centrale est une véritable passoire. Chaque jour, 350 m³ d'eau douce sont injectés, pour les maintenir à une température comprise entre 20 et 50 °C, dans les trois des six réacteurs qui étaient en fonctionnement lors de la catastrophe (les unités 1, 2 et 3) et dont les cuves sont percées.

    Cette masse liquide, qui, au contact du combustible nucléaire dégradé, se charge en radioéléments solubles (césium, strontium, antimoine, tritium…), s’écoule dans les sous-sols des bâtiments, où s’infiltrent aussi des eaux souterraines, à raison de 300 m³ par jour.
    Ce sont donc, quotidiennement, 650 tonnes d’eau radioactive qui doivent être pompées et traitées, avant d’être, pour une part, réintroduites dans le circuit de refroidissement et, pour le reste, entreposées sur le site, dans près d’un millier de réservoirs alignés à perte de vue ou enterrés. Plus le temps passe et plus le stock augmente : il se monte actuellement à 600 000 tonnes, et Tepco a d’ores et déjà prévu une capacité de stockage de près de 800 000 tonnes.
    Pour stopper cette boucle infernale, plusieurs systèmes de décontamination ont été mis en place. Après avoir subi une série de pannes, ils peuvent aujourd’hui traiter jusqu’à 2 000 m³ d’eau par jour, pour en éliminer l’ensemble des radionucléides, à l’exception du tritium, pour lequel il n’existe pas de procédé d’extraction.
    En janvier, ces dispositifs ne fonctionnaient pas encore à plein rendement, mais permettaient déjà d’épurer 1 300 m³par jour. Si bien que Tepco espère avoir bientôt dépollué toute l’eau entreposée sur le site : au début de l’année, l’entreprise a annoncé que cet objectif ne serait pas atteint fin mars comme prévu, mais, « si le rythme actuel est maintenu, courant mai ».
    Batterie de parades
    Reste que des fuites à répétition continuent de se produire. Fin février, des capteurs placés sur une conduite d’évacuation des eaux pluviales et souterraines vers la mer ont ainsi mesuré des taux de radioactivité 70 fois supérieurs aux valeurs habituellement enregistrées sur le site.
    L’Autorité japonaise de régulation nucléaire a sévèrement rappelé à l’ordre Tepco, en lui reprochant de n’avoir fermé la conduite qu’au bout d’une heure et demie, malgré le déclenchement d’une alarme sonore. Quelques jours plus tard, c’est une nappe d’eau de vingt mètres de long qui a été découverte dans le bâtiment des turbines d’un réacteur.
    Pour limiter les rejets dans le Pacifique, une batterie de parades a été déployée. D’abord, une barrière d’étanchéité de 900 mètres de long en bordure d’océan, dont les travaux sont presque terminés. Ensuite, un pompage dans la nappe phréatique en amont de la centrale, pour faire baisser son niveau et éviter sa contamination. Enfin, un « mur de glace » souterrain destiné à faire écran entre la nappe et les bâtiments nucléaires, grâce à l’injection d’un liquide gélifiant dans un réseau de 1 500 tuyaux enterrés. Les essais de glaciation du terrain devraient débuter cet été.
    A terme, toute l’eau accumulée devra pourtant, une fois traitée, être rejetée dans l’océan. C’est la solution que préconise l’AIEA, mais les pêcheurs locaux et les associations écologistes s’y opposent farouchement. D’autant que la pollution du milieu marin, si elle a beaucoup décru, n’a pas disparu.
    « Les rejets en mer continuent depuis le site de la centrale nucléaire, à un niveau difficile à quantifier, et l’ensemble du Pacifique nord est maintenant marqué par le césium 137- à un niveau comparable à celui mesuré dans les années 1960 à la suite des essais nucléaires atmosphériques, jusqu’à environ 500 mètres de profondeur », indique Jean-Christophe Gariel, directeur de l’environnement à l’IRSN.
    Poissons contaminés
    Dans un rayon de 20 km autour de la centrale, on trouve des « points chauds » où la radioactivité des sédiments marins atteint 5 000 becquerels par kilo (Bq/kg). Et des niveaux de contamination très supérieurs à la limite tolérée, qui est de 100 Bq/kg, sont encore observés chez certains poissons, notamment parmi les espèces vivant au fond de l’océan (poissons plats, congres, grondins, raies…).
    En août 2014, sur vingt échantillons de poissons prélevés par Tepco dans le port de Fukushima, dix présentaient des concentrations en césium dépassant les normes, l’un d’eux atteignant 32 500 Bq/kg. Ce qui explique que la pêche demeure interdite dans la préfecture japonaise.
    Mais les eaux ne sont pas seules à empoisonner le site nucléaire. Il faut aussi vider les piscines de refroidissement qui contenaient, au total, plus de 3 000 assemblages de combustible. L’opération a été achevée avec succès, fin décembre, pour la piscine du réacteur 4, la plus importante et la plus endommagée. L’extraction des barres de combustible des réacteurs 3, 2 et 1 doit s’échelonner de 2015 à 2019.
    Le plus difficile reste à venir : l’évacuation des cœurs des trois réacteurs, qui ont fondu juste après l’accident en formant un magma extrêmement radioactif (du corium), lequel a perforé les cuves et s’est répandu au fond des bâtiments.
    Tepco ne prévoit pas de s’y attaquer avant 2020 ou 2025. Une intervention humaine directe est impossible. Il faudra localiser le corium avec des caméras, concevoir des robots commandés à distance avec des outils de découpe et d’extraction spéciaux, fabriquer des conditionnements adaptés… Une intervention que l’AIEA qualifie d’« énorme défi à long terme » et qui n’a encore été réalisée nulle part ailleurs.
    Lire aussi : Malgré l’hostilité de l’opinion japonaise, la relance du nucléaire est acquise

    Fukushima: l'industrie nucléaire rend l'âme, faisons lui rendre les armes

    10 mars 2015 |  Par Les invités de Mediapart

    http://blogs.mediapart.fr/edition/article/100315/fukushima-lindustrie-nucleaire-rend-lame-faisons-lui-rendre-les-armes

    Alors que se profile la conférence internationale sur le climat en décembre 2015 à Paris, le quatrième anniversaire de Fukushima permet de rappeler une chose : "la lutte contre le changement climatique implique une refonte totale du système énergétique". Michèle Rivasi, députée européenne, vice-présidente du groupe des Verts/Alliance libre européenne, nous livre son point de vue sur la situation.

    La catastrophe nucléaire de Fukushima célèbre tristement son quatrième anniversaire. Alors que la situation sur place reste hors de contrôle, l'ensemble de la filière nucléaire est aujourd'hui remise en cause, non seulement pour des motifs éthiques mais aussi pour des raisons économiques. L'occasion de faire un état des lieux des conséquences de Fukushima.
    Que ce soit de l’eau souterraine qui remonte et se mélange à celle fortement contaminée ayant servi à refroidir les réacteurs, ou - chemin inverse - de l’eau contaminée passant dans les sous-sols pour rejoindre l’océan, Tepco ne sait pas réagir : chaque jour, ce sont 400 nouveaux m3 qui doivent être pompés et stockés, et 300m3 qui partent vers la mer.
    À ce jour, 370.000 tonnes d'eau hautement contaminées sont stockées dans milliers de citernes dont l'étanchéité s'avère peu fiable comme en attestent des fuites classées au niveau 3 de l'échelle internationale des événements nucléaires (INES, le niveau 3 correspondant à un incident grave) en août 2013.
    Décontaminer ? Les stations de traitement cumulent les dysfonctionnements: le système de décontamination prévu par Areva (ALPS, Advanced Liquid Processing System) a été abandonné faute d'efficacité.
    Geler les eaux-souterraines ? C'est prévu en mai, mais les tests réalisés jusque-là sur une galerie ne sont pas concluants ; la solution de dernier recours a été de cimenter le tout, sans aucune garantie d’étanchéité.
    Depuis décembre 2014, l’augmentation de la quantité de césium 134, 137, tritium dans les forages de dérivation, couronnées par une fuite d’eau vers l’océan 70 fois plus radioactive que sur le site-même de la catastrophe, montrent que la situation n’est vraiment pas sous contrôle.
    Une seule bonne nouvelle: Tepco a réussi à retirer le combustible de la piscine du réacteur 4, qui faisait peser le risque d’une contamination encore plus grave que celle du 11 mars 2011. En cas de perte de refroidissement, c’est jusqu’à 250 km de la centrale qu’il aurait fallu évacuer…
    Au niveau social, le gouvernement japonais essaye de minimiser l’ampleur de la catastrophe et prône un retour à la normale. Le nombre d’évacués, de "réfugiés du nucléaire", s’élève encore à 120 000 personnes.
    Certains ont été contraints de revenir sur des terres contaminées, d’autres d’y rester puisque l'évacuation forcée n'a eu lieu que dans un périmètre de 20 kilomètres entourant la centrale de Fukushima (dont la préfecture comptait 2 millions de personnes).
    Pendant ce temps, ce sont plus de 6000 ouvriers qui tentent de réguler la catastrophe au péril de leur vie, dans un site extrêmement accidenté et soumis à des doses de radiations quotidiennes inédites.
    Les coûts de la catastrophe ont été estimés à plus de 257 milliards de dollars par le gouvernement japonais en 2011, supportés par les contribuables japonais depuis la nationalisation de Tepco en 2012. Et encore, c'est sans compter les retombées négatives de la radioactivité sur le tourisme, l'agriculture ou même la crise énergétique qui s'en est suivie...et jugulée grâce à d'intenses efforts en matière d'économies d'énergie.
    On le sait, cette catastrophe a provoqué un changement de discours des autorités de sûreté européennes, mais aussi de certaines personnalités politiques et a même renforcé la volonté de certains pays européens de sortir du nucléaire (Allemagne, Suisse) ou de ne pas s'y engager (Italie, avec un nouveau référendum en 2011).
    L’accident est devenu probable et l’emploi du futur de l’indicatif est une nouveauté: que se passerait-il donc en Europe en cas de rejets massifs de radioactivité ? C’est ce qui intéresse de plus en plus d’organisations de la société civile comme le réseau européen Nuclear Transparency Watch qui publiera dans les prochaines semaines un rapport sur les mesures post-accidentelles dans différents pays européens.
    Les conclusions sont simples : un accident nucléaire n’est pas gérable, encore moins lorsqu’il implique des populations parlant des langues différentes, avec des mesures de protection différentes et des systèmes d’alertes différents.
    De quoi semer la panique pour la gestion d'un accident frontalier comme cela pourrait être le cas à la centrale de Fessenheim (Allemagne et Suisse directement concernées) ou Cattenom (la quasi-totalité du Luxembourg pourrait être évacuée), pour n'en citer que deux.
    Si peu de choses ont bougé depuis ces 4 ans passés à essayer de lutter contre des dégâts irréversibles, pourquoi marquer encore cette date ? Parce qu’elle touche notre futur.
    4, c’est le nombre de réacteurs nucléaires dont le redémarrage est envisagé d’ici fin 2015 alors que le Japon se passe depuis 18 mois de l’électricité nucléaire. Une sortie physiquement possible, donc.
    4 (voire 5) milliards d’euros c’est l’endettement d’Areva, membre de « l’équipe de France du nucléaire », ce qui met à mal l’idée d’une industrie florissante et présage d’une débâcle économique de plus grande ampleur.
    Mais surtout, 4, c’est le facteur de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 (par rapport à 1990) visé par de nombreux pays développés, dont la France.
    Alors que se prépare la conférence internationale sur le climat en décembre 2015 à Paris, la commémoration de Fukushima permet de rappeler une chose : la lutte contre le changement climatique implique une refonte totale du système énergétique avec une place centrale pour les économies d’énergie.
    Le nucléaire, avec des constructions s’étalant sur 10 ans, des coûts initiaux exorbitants et une production centralisée et non flexible, bloque ce changement de paradigme.
    Si la sortie du nucléaire est un impératif moral à bien des points de vue, il semble que l'argument économique soit le seul capable de fissurer les dogmes qui empoisonnent l'avenir énergétique de la France, et du monde entier. Et si les gouvernements n'entendent pas nos voix, une solution simple s'impose: changer d'opérateur pour sa fourniture d'électricité et participer au financement d'un mix électrique 100% renouvelables.
    fukushima
    Michèle Rivasi

         
    Des données officielles de l'IRSN ( Institut de Radio protection et de Sûreté Nucléaire )

     

    http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-fukushima-2011/fukushima-2015/Pages/3-consequences-sante-accident-nucleaire-Fukushima-2015.aspx?dId=35dae64a-182a-4349-ba27-211b58261fed&dwId=cd295740-164d-4b78-a4aa-70e35c65d06e#.VQEC5o69vCM


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  • Petite erreur de rubrique. La Corée du sud n'est pas au Japon.....

     

    Une malade de la thyroïde fait condamner l’opérateur nucléaire sud-coréen

    Une fois n'est pas coutume. Faire condamner un opérateur du nucléaire est exceptionnel.  C'est généralement l'inverse qui se produit, afin de faire taire la contestation.

    Encore et toujours, ces organisations mafieuses ont seulement la puissance que nous leur accordons par notre immobilisme.

    Gaulois.

     Par Louis Germain
    6 novembre 2014

    http://journaldelenergie.com/nucleaire/une-malade-de-la-thyroide-fait-condamner-loperateur-nucleaire-sud-coreen/

    C’est une première pour la Corée du Sud : un tribunal a donné gain de cause à une femme qui attribue son cancer de la thyroïde à la radioactivité de la centrale nucléaire de Kori, proche de son domicile.
    Par Louis Germain
     
    Le tribunal de Busan, deuxième ville du pays, a condamné la société exploitant la centrale – Korea Hydro & Nuclear Power (KHNP) – à verser une indemnité de 11.000 euros à Geum-sun Park, 48 ans, qui vit à sept kilomètres de la centrale nucléaire de Kori (côte est) nous apprend le Wall Street Journal. Cette centrale comporte six réacteurs à eau sous pression, une technologie similaire à celle des réacteurs français.
    « En-dehors de la radioactivité rejetée par les réacteurs nucléaires, il n’y a pas de cause évidente à son cancer »
    « Elle a vécu dans un rayon de dix kilomètres des réacteurs depuis plus de vingt ans et est donc exposée à la radioactivité depuis longtemps. En-dehors de la radioactivité rejetée par les réacteurs nucléaires, il n’y a pas de cause évidente à son cancer », note le tribunal dans son jugement du 17 octobre 2014. Filiale de KEPCO, l’opérateur électrique public de la Corée du Sud, KHNP a annoncé qu’il ferait appel.
    Une décision de justice fondée sur des études médicales
    Le juge Choi Ho-sik s’est appuyé sur une étude épidémiologique sud-coréenne de 2012 établissant que le nombre de cancers de la thyroïde chez les femmes vivant dans un rayon de cinq kilomètres autour d’une centrale nucléaire était 2,5 fois supérieur au nombre de cancers de la thyroïde chez les femmes vivant dans un rayon de trente kilomètres des mêmes installations [1]. Le jugement mentionne aussi une campagne de dépistage du cancer de la thyroïde menée de juillet 2010 à décembre 2013 sur 3031 habitants du comté de Kijang, où se trouve la centrale nucléaire de Kori. Ce dépistage a révélé un nombre de cancers de la thyroïde supérieur de 0,34% à un autre dépistage mené à l’échelle nationale sur la même période sur des dizaines de milliers de personnes.
    Mais selon l’exploitant de la centrale, plusieurs études médicales infirment le lien de cause à effet entre la localisation des installations nucléaires et le cancer de la thyroïde chez les populations riveraines, d’autant que ce cancer est « le plus fréquent » dans la population féminine à travers le pays. D’après le ministère sud-coréen de la Santé, le cancer de la thyroïde connaît effectivement une forte hausse depuis quelques années dans la population féminine, ce qui s’expliquerait en partie par des méthodes de dépistage plus efficaces et des examens médicaux plus fréquents.
    Un jugement qui pourrait ouvrir la voie à des poursuites similaires
    Après ce jugement, plusieurs associations de protection de l’environnement ont annoncé qu’elles allaient lancer une action collective en justice après avoir recensé les personnes souffrant d’un cancer de la thyroïde et vivant depuis au moins trois ans au voisinage d’une des quatre centrales nucléaires du pays. La municipalité de Busan a aussi demandé au gouvernement de fermer le plus vieux réacteur de cette centrale (Kori I), le premier à avoir été mis en service en Corée du Sud en 1978.
    Ce réacteur avait perdu en 2012 toute alimentation électrique pendant 12 minutes, y compris son générateur de secours, lors d’un incident grave que KHNP avait essayé de dissimuler. La catastrophe de Fukushima en 2011 a profondément marqué les esprits en Corée du Sud où 23 réacteurs nucléaires fournissent environ 30% de la production électrique. Sans compter qu’un scandale mêlant corruption et contrefaçon de pièces détachées destinées aux centrales nucléaires frappe de plein fouet KHNP depuis deux ans.
     
    [1] Cancer Risk in Adult Residents near Nuclear Power Plants in Korea – A Cohort Study of 1992-2010 http://synapse.koreamed.org/DOIx.php?id=10.3346/jkms.2012.27.9.999
     
    Photo : centrale nucléaire de Kori, Corée du Sud (AIEA/Flickr/CC)


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