• Hiroshima - Nagasaki

    Suite et fin.

    Voici le dernier article de cette série.

    Malgré les nombreuses censures, la documentation et les témoignages sont nombreux sur l'une des plus monstrueuses utilisations du nucléaire.

    N'oublions pas que, parmi les cinq plus grandes puissances " Atomiques " figure les Etat-unis. N'oublions pas davantage la collaboration de la France et du Royaume-uni à l'élaboration de la bombe atomique;

    Ces cinq pays, la chine, la Russie, les Etat-unis, le royaume-uni et la France se posent en donneurs de leçon auprès des pays susceptibles d'acquérir la bombe, alors qu'elles sont des nations atomiques criminelles.

    Les décorations du pilote qui larguait la bombe sur Hiroshima, Paul Tibbets. Difficile de faire pire d'ans l'abject:

    Gaulois.







    Les véritables raisons de la destruction d'Hiroshima









    6 août 1945 , 8 h 15,  le champignon atomique d'Hiroshima. Cette photo est prise à une distance de 80 km de l'hypocentrLe Monde Diplomatique, août 1990.

    EFFRAYER LES SOVIÉTIQUES, COMMENCER LA GUERRE FROIDE
    Il y a exactement quarante-cinq ans, les 6 et 9 août 1945, les villes japonaises d'Hiroshima et de Nagasaki étaient littéralement "ramenées à l'âge de pierre" par l'explosion des premières - et seules - bombes atomiques jamais utilisées dans un conflit (voir Hiroshima et Nagasaki en Realvidéo 28 Kb). L'emploi d'armes aussi barbares était devenu indispensable - dit-on alors officiellement - pour arrêter la guerre et épargner des centaines de milliers de vies. Des documents récents démentent cependant cette thèse et révèlent que ces destructions, comme celle de Dresde le 13 février 1945, avaient pour objectif d'impressionner les Soviétiques, d'arrêter leur avance, et marquaient, en fait, le début de la guerre froide.
    Le 7 mai 1945, lorsque le maréchal Jodl signa l'acte de capitulation de l'Allemagne nazie, son allié, le Japon impérial, n'était déjà plus que l'ombre de lui-même : son arme d'élite d'autrefois, l'aviation, ne comprenait plus qu'un petit nombre d'adolescents désespérés mais prodigieusement courageux, et dont la plupart étaient assignés à des missions kamikazes ; il ne restait pratiquement plus rien de la marine marchande et de la marine de guerre. Les défenses antiaériennes s'étaient effondrées : entre le 9 mars et le 15 juin, les bombardiers B-29 américains avaient effectué plus de sept mille sorties en subissant seulement des pertes mimimes.
    Le 10 mars précédent, plus de cent vingt-cinq mille personnes avaient été tuées ou blessées lors d'un bombardement sur Tokyo. Un événement, seulement dépassé dans l'horreur par les trois raids des aviations anglo-canadienne et américaine sur Dresde, dans la nuit du 13 au 14 février 1945. Pour le patron de l'US Air Force, le général Curtis Le May, il s'agissait de "ramener le Japon à l'âge de pierre", métaphore qu'il répéterait sans cesse les années suivantes pour décrire la liquidation physique de dizaines de milliers de Coréens par ses chefs d'escadrilles.
    Le Japon avait parfaitement compris ce que signifiait la dénonciation par l'URSS du pacte de non-agression signé entre les deux pays, et il n'avait pas oublié la défaite que le maréchal Joukov avait infligée à ses armées à la veille de la seconde guerre mondiale. Alors, pourquoi ce lancement d'une attaque nucléaire sur Hiroshima le 6 août 1945 ? Et, même en admettant le bien-fondé de la "solution finale" imposée à cette ville, comment justifier la seconde démonstration de la capacité d'extermination effectuée trois jours plus tard à Nagasaki ?

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Lire le Los Angeles Times du 7 août 1945.

    Tout au long de sa présidence, Harry Truman affirma que les destructions d'Hiroshima et de Nagasaki avaient sauvé un quart de million de vies humaines (1), mais, après la fin de son mandat, il commença à jongler avec les chiffres. Les journalistes qui écrivirent les "Mémoires" du président citèrent, dans leur première version, le chiffre d'un demi-million de pertes (américaines et alliées), dont au moins trois cents mille morts. A la sortie du livre, en 1955, le total était passé à un demi-million de vies américaines sauvées et, en certaines occasions, Harry Truman alla jusqu'à parler d'un million (2).
    Le chiffre mythique d'un demi-million avait bien pu apaiser la conscience de Truman ; mais, d'autres acteurs, non directement impliqués dans ce jeu, allaient l'utiliser à des fins beaucoup plus explicites. Winston Churchill avait ses propres raisons, liées aux perspectives de guerre froide, pour pratiquer l'escalade : Hiroshima et Nagasaki, selon lui, avaient sauvé un million deux cent mille. L'homologue britannique de Curtis Le May, le maréchal Sir Arthur Harris, surnommé bomber, confident de Churchill et exécutant de la destruction de Dresde, alla même jusqu'à parler de trois à six millions de pertes évitées (3).
    Les doutes du général Eisenhower
    TOUS les chercheurs sérieux savaient que les chiffres de Truman étaient fantaisistes, mais une étude des services secrets américains, découverte en 1988 dans les archives nationales des Etats-Unis, en apporte la confirmation (4). Ce document est certainement l'une des évaluations les plus étonnantes qui soient parues après la fin de la guerre. On y découvre que l'invasion de la principale île de l'archipel japonais, Honshu, avait été jugée superflue. L'empereur, observe le rapport, avait décidé, dès le 20 juin 1945, de cesser les hostilités. A partir du 11 juillet, des tentatives pour négocier la paix avaient été effectuées par le biais de messages à Sato, ambassadeur japonais en Union soviétique. Le 12 juillet, le prince Konoye avait été désigné comme émissaire pour demander à Moscou d'utiliser ses bons offices afin de mettre un terme à la guerre.
    Le rapport secret conclut explicitement que c'est la décision de l'Union soviétique, prise le 8 août, d'envahir la Mandchourie occupée par les Japonais, et non pas les bombardements d'Hiroshima (6 août) et de Nagasaki (9 août), qui constitua le facteur décisif menant à la fin des hostilités : "Les recherches montrent que [au sein du cabinet japonais] il fut peu question de l'usage de la bombe atomique par les Etats-Unis lors des discussions menant à la décision d'arrêter les combats [15 août 1945]. Le lancement de la bombe fut le prétexte invoqué par tous les dirigeants, mais la chaîne des événements mentionnés plus haut donne à penser, de manière quasi certaine, que les Japonais auraient capitulé après l'entrée en guerre de l'URSS." La lecture des événements du 6 et du 9 août doit donc moins se faire en termes de fin des hostilités en Asie et dans le Pacifique qu'en termes de début de la guerre froide.
    Le secrétaire d'Etat James Byrnes - qui, au Sénat, avait été le mentor de Truman avant que ce dernier n'accède à la présidence après la mort de Roosevelt le 12 avril 1945 - ne le cachait d'ailleurs pas. Leo Szilard, qui l'avait rencontré le 28 mai rapporte ainsi que "Byrnes ne prétendait pas qu'il était nécessaire d'utiliser la bombe contre les villes japonaises pour gagner la guerre. Son idée était que la possession et l'usage de la bombe rendraient la Russie plus contrôlable". Le mot-clé n'est ni "compromis" ni "négociation" mais "contrôlable". Ce que Truman confirma lui-même : "Byrnes m'avait déjà dit [en avril 1945] qu'à son avis la bombe nous permettrait de dicter nos conditions à la fin de la guerre."



    La solution finale d'Hiroshima et de Nagasaki servit donc de prélude et de prétexte à un déploiement mondial de la puissance économique et diplomatique américaine. Après l'explosion, couronnée de succès, de la première bombe atomique, le 16 juillet 1945, dans les sables du désert du Nouveau-Mexique, Truman avait décidé d'exclure l'URSS de tout rôle significatif dans l'occupation et le contrôle du Japon. Le même personnage, alors sénateur, répondant à Roosevelt qui plaidait pour un prêt-bail à une URSS en proie aux pires difficultés, s'était exclamé : "Si nous voyons que l'Allemagne est en train de gagner la guerre, il faudrait que nous aidions la Russie, et si la Russie est sur le point de l'emporter, il faudrait que nous aidions l'Allemagne, pour qu'ils s'entretuent le plus possible."
    L'arme d'extermination massive ne fit pas l'unanimité au sein du petit noyau des décideurs. A son grand honneur, le général Dwight Eisenhower nota dans ses Mémoires, lorsqu'il fut informé de son usage imminent par le ministre de la guerre, Henry Stimson : "Je lui fis part de la gravité de mes doutes. D'abord sur la base de ma conviction que le Japon était déjà battu, et donc que l'utilisation de la bombe était complètement inutile. Ensuite, parce que je pensais que notre pays devait éviter de choquer l'opinion mondiale en utilisant une arme qui, à mon avis, n'était plus indispensable pour sauver des vies américaines." De la même manière, le chef d'état-major, l'amiral William Leahy, un partisan du New Deal, écrivit : "Les Japonais étaient déjà battus et prêts à capituler. L'usage de cette arme barbare à Hiroshima et à Nagasaki n'a apporté aucune contribution matérielle à notre combat contre le Japon." Les Etats-Unis, poursuivit-il, "en tant que premier pays à utiliser cette bombe ont adopté des normes éthiques semblables à celles des barbares du Haut Moyen Age" (5). En revanche, lorsqu'il fut informé de l'holocauste de Nagasaki, en revenant de la conférence de Potsdam, à bord du croiseur Augusta, Truman fit part de sa jubilation au commandant du bâtiment : "C'est la plus grande chose de l'histoire."
    La revendication et la justification de cet holocauste par le trio Byrnes-Truman-Stimson, que les médias répercutèrent dans les heures et les semaines qui suivirent, furent extrêmement payantes. Un petit mensonge avait été métamorphosé avec succès en un gros mensonge qui allait être presque universellement accepté et rendu moralement acceptable à l'opinion américaine et aux autres. C'est encore largement le cas.
    Pourtant, même aux pires moments de la guerre froide, à la fin des années 40, des voix s'élevèrent pour le remettre en cause. L'une des premières contributions d'envergure fut celle du physicien britannique Patrick M. Blackett, de l'université de Londres, qui écrivit que "la bombe fut la première opération d'importance dans la guerre froide diplomatique" (6). Ce travail, et la publication, dans les années 50 et 60, de documents privés et d'archives américaines déclassées, constituèrent les bases de la monographie fondamentale de Gar Alperowitz (7).

    Novembre 1945, vue aérienne du coeur de la ville d'Hiroshima.


    Churchill reçut la nouvelle de la destruction des deux villes japonaises avec joie, en la parant de justifications mensongères. Il faut dire que c'était lui en personne - et non pas Sir Arthur Harris, chef du Bomber Command (la flotte aérienne de bombardement britannique), transformé plus tard en bouc émissaire - qui donna l'ordre de détruire Dresde, ville sans défense et dépourvue d'objectifs militaires. Pour reprendre les propos de Harris : "L'attaque de Dresde fut, à l'époque, considérée comme une nécessité militaire par des personnages plus importants que moi." On compta plus de cent vingt mille victimes. Ce raid exterminatoire n'avait rien à voir avec une aide apportée à "nos braves alliés soviétiques" - pour reprendre la formule familière du temps de guerre - d'autant que leurs troupes n'étaient plus, ce jour-là, qu'à 130 kilomètres de l'ancienne capitale des rois de Saxe. Il s'agissait plutôt d'une démonstration de force à l'égard de cet allié.
    Au premier coup d'oeil, les photographies aériennes prises par les Mosquito de la RAF montrèrent que la destruction de la ville de Dresde n'avait aucune justification militaire. C'est seulement après le raid que les équipages des bombardiers s'en rendirent compte. Dans la grande vision churchillienne, Dresde et Hiroshima n'étaient qu'un élément de la stratégie plus globale de la guerre froide en train de naître. On aura une idée de l'état d'esprit du premier ministre britannique à la lecture du journal de lord Alanbrooke à la date du 22 juillet 1945 : selon Churchill, "nous avions désormais entre les mains quelque chose qui rétablirait l'équilibre avec les Russes. Le secret de cet explosif et la capacité de l'utiliser modifieraient complètement l'équilibre diplomatique qui était à la dérive depuis la défaite de l'Allemagne". Et lord Alanbrooke d'ajouter laconiquement : "Churchill se voyait déjà en mesure d'éliminer tous les centres industriels soviétiques et toutes les zones à forte concentration de population. Il s'était immédiatement peint une magnifique image de lui-même comme unique détenteur de ces bombes, capable de les lancer où il le voulait, donc devenu tout-puissant et en mesure de dicter ses volontés à Staline" (8).
    Les années de guerre n'avaient pas changé la façon de voir de Churchill, mais seulement sa tactique et sa rhétorique. Profondément enracinée dans son esprit demeurait l'idée que "le bolchévisme n'est pas une politique, mais une maladie". C'est pourquoi on n'aurait pu rêver d'un meilleur tandem que Truman et Churchill pour le développement stratégique de la guerre froide. Le soir du 10 février 1946, ils se réunirent à la Maison Blanche pour discuter du discours que l'homme au cigare allait prononcer, le 5 mai suivant, à Fulton dans le Missouri, et dans lequel il lancerait l'expression de "rideau de fer". Non seulement ce manifeste de Fulton, qui formalisait le déclenchement de la guerre froide, fut couvert de louanges par Truman et son entourage, - particulièrement dans ses passages antisoviétiques où il préconisait une suprématie atomique américaine - mais on peut dire que ses ingrédients étaient une création anglo-américaine. Churchill discuta le contenu de son intervention en détail avec Truman le 10 février, avec Byrnes et le financier Bernard Baruch le 17 (9).
    La diplomatie atomique de Truman, désormais couplée avec la base économique massive de la puissance américaine, ne se cristallisa pas seulement dans la doctrine Truman mais aussi dans l'incontrôlable course aux armements qui en constitua la séquelle, ainsi que dans les guerres coloniales contre les peuples luttant pour leur indépendance.
    Nul besoin de sanctifier les exterminations d'Hiroshima-Nagasaki (ou, à cet égard, de Dresde) et de les élever à la hauteur d'événements mystiques. Elles constituèrent la synthèse d'une situation où des décisions vitales sont prises par un tout petit groupe d'individus, disposant d'énormes pouvoirs et agissant sur la base de prémisses erronées. Mais, de ces tragédies, il nous faut tirer des enseignements, toujours aussi pertinents, quarante-cinq ans après : compte tenu de la formidable complexité des relations internationales et de la capacité d'annihilation des armes nucléaires, nous n'avons pas d'autre choix que ceux de la souplesse, du compromis et de la négociation.
    Frédéric F. Clairmont, Le Monde Diplomatique, Août 1990.
     
    Notes :
    (1) Voir les archives publiques de la présidence Public Papers of the Presidents : Harry S. Truman, Government Printing Office, Washington DC, 1965.
    (2) Harry S. Truman, Mémoires, Years of Decision, vol. 1, Doubleday, New-York, 1955.
    (3) Dudley Saward, Bomber Harris : The Authorized Biography, Cassell, Londres, 1984.
    (4) Voir The New York Times, 4 août 1989. L'étude, découverte dans un dossier du ministère de la guerre, sur "Les conversations américano-britanniques", avait été élaborée au début de 1946 par les spécialistes du renseignement de la division des opérations, qui constituait alors l'échelon suprême de la planification dans l'armée de terre.
    (5) William D. Leahy, I Was There, McGraw Hill, New-York, 1956.
    (6) Patrick M. Blackett, Fear, War and the Bomb : Military and Political Consequences of Atomic Energy, Turnstile Press, Londres, 1948.
    (7) Gar Alperowitz, Atomic Diplomacy : Hiroshima and Potsdam : The Use of the Atomic Bomb and the American Confrontation with the Soviet Power, Secker and Warburg, Londres, 1965.
    (8) Ibid.
    (9) Voir Fraser Harbutt, The Iron Curtain : Churchill, America and the Origins of the Cold War, Oxford University Press, 1986.

    A voir :
    Le documentaire de 1 heure en Realvideo 33Kb sur le bombardement atomique "Rain of ruin" qui bien qu'entièrement aligné sur les thèses officielles américaines (millier de vies américaines sauvées, refus du Japon de se rendre etc.) est très instructif sur la préparation et les infrastructures mises en place pour arriver aux bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki.
    Nonfiction.fr, 1/12/07:
    (Photos des journaux rajoutées par Infonucléaire)



    Ils n'étaient pas tous d'accord pour larguer la bombe sur Hiroshima


    Paul Tibbets, le pilote américain qui largua la bombe atomique sur Hiroshima en août 1945, est mort le 1er novembre 2007, à l'âge de 92 ans. http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Tibbets 


      Le 6 août 1945, alors jeune lieutenant-colonel de l'US Air Force, il était aux commandes du bombardier SuperFortress B-29 "Enola Gay" qui a largué, hors tests, la première bombe atomique de l'histoire de l'humanité. Paul Tibbets n'avait que 30 ans lorsqu'il décolla aux commandes du SuperFortress B-29 d'une base américaine dans les Iles Mariannes avec ses 11 membres d'équipage. Le bombardier avait été baptisé "Enola Gay", le prénom de la mère de Paul Tibbets.
    Le premier test nucléaire s'était déroulé avec succès moins d'un mois plus tôt, le 16 juillet 1945, dans le désert du Nouveau-Mexique. Dès lors tout va aller vite. Le 24 juillet, le président Harry Truman approuve la décision de mener une campagne de bombardements atomiques contre le Japon jusqu'à sa capitulation. Le 31 juillet, Truman donne l'ordre de bombarder Hiroshima "dès que le temps le permet".
    Les scientifiques avaient prévenu Paul Tibbets : l'avion devra voler à 31.000 pieds (9.448 mètres) et la bombe explosera à quelque 600 mètres d'altitude. Quarante-trois secondes s'écouleront entre le moment où "Little Boy" (le surnom de la bombe) quittera les soutes de l'appareil et la déflagration. Si l'équipage veut survivre, il devra s'être éloigné de quelque 12,8 km au cours de cette poignée de secondes.
    Les douze hommes triés sur le volet qui grimpent à bord de l'Enola Gay, à 02H45 le 6 août 1945, sont équipés d'un parachute, d'un pistolet et d'un gilet de protection. Au commandant de bord, le médecin de la base remet une petite boîte contenant douze pilules de cyanure. Puis le chapelain fait une prière, on prend des photos. L'Enola Gay décolle.
    Lorsque l'avion arrive au-dessus d'Hiroshima, le temps est dégagé et l'équipage voit distinctement la côte et les bateaux ancrés dans le port, puis le pont qui constitue l'objectif. Il est 08H15 à Hiroshima lorsque la bombe est larguée. Tibbets bascule immédiatement son avion dans un virage sur l'aile droite à 155 degrés. Seul Bob Caron, qui se tient à la place du mitrailleur de queue, est capable d'apercevoir la gigantesque boule de feu et de prendre des photos. L'avion est rattrapé par l'onde de choc, qui le secoue modérément. Puis tous voient le "champignon géant de couleur pourpre".
    Paul Tibbets se retourne vers l'équipage: "Les gars, vous venez juste de larguer la première bombe atomique."


    Le souffle, le feu et le rayonnement ont tué 140.000 personnes. Beaucoup d'autres ont été marqués et blessés à vie. La plupart des victimes de la bombe étaient des femmes, des enfants, des personnes âgées et des civils pas impliqués dans la guerre. On compte aussi parmi les vicitimes des prisonniers de guerre américains et alliés, ainsi que des milliers de Coréens contraints au travail forcé.
    "Si Dante s'était trouvé avec nous dans l'avion, il aurait été terrifié", a raconté des années plus tard Paul Tibbets. "La ville que nous avions vu si clairement dans la lumière du jour était maintenant recouverte d'une horrible salissure. Tout avait disparu sous cette effrayante couverture de fumée et de feu."
    De retour au sol, c'est l'enthousiasme général. Tibbets reçoit la Distinguished Service Cross.
    Reçu bien plus tard à la Maison Blanche, Truman lui dira: "Ne perdez pas le sommeil parce que vous avez planifié et rempli cette mission. C'était ma décision. Vous n'aviez pas le choix."
    Tibbets s'est glorifié tout au long de son existence de n'avoir jamais perdu le sommeil. Il est allé jusqu'à reconstituer le bombardement d'Hiroshima en 1976, lors une fête aérienne au Texas. Il a expliqué, avec constance, que la destruction d'Hiroshima, puis celle de Nagasaki, trois jours plus tard, étaient absolument nécessaires pour provoquer la reddition des Japonais et éviter ainsi une reconquête sanglante du Japon, île par île.
    [Lire l'interview de Paul Tibbets dans Paris Match n°856 du 4 septembre 1965, à comparer au "cas" de Claude Eatherly le pilote de l'avion de reconnaissance d'Hiroshima.]
    Tibbets a consacré une partie de sa vie a dénoncer les "révisionnistes" qui remettaient en cause la necessité et la moralité du bombardement des villes japonaises. Tibbets faisait valoir que cette décision cruciale avait alors recueilli un large consensus parmi les responsables militaires. À tort.
    Le choix de larguer la bombe nucléaire sur Hiroshima ne faisait pas l'unanimité
    Deux historiens, Leo Maley III et Uday Mohan, reviennent dans History News Network sur le débat qui a précédé la décision du Président Truman.
    Ils rappellent que six parmi les sept généraux et amiraux les plus gradés ("wartime five-star officers") étaient réservés ou hostiles à l'usage de l'arme nucléaire.
    L'amiral William Leahy, chef d'état-major particulier du Président Truman y était hostile. Il rapportera, en 1950, dans ses mémoires que "les Japonais étaient déjà battus et prêts à capituler. L'usage de cette arme barbare à Hiroshima et à Nagasaki n'a apporté aucune contribution matérielle à notre combat contre le Japon. En étant le premier pays à utiliser cette bombe, les États-Unis ont adopté des normes éthiques semblables à celles des barbares du Haut Moyen Âge. Je n'avais pas été formé à faire la guerre de cette manière. Les guerres ne peuvent pas être gagnées en détruisant les femmes et les enfants."
    Le Général Eisenhower alors Commandant en chef des forces alliées en Europe s'opposa à l'utilisation de la bombe lors d'une réunion en juillet 1945 avec le Secrétaire de la guerre, Henry Stimson : "Je lui ai dit que j'étais contre pour deux raisons. D'abord, les Japonais étaient prêts à se rendre et il n'était pas nécessaire de les frapper avec cette chose terrible. En second lieu, je détestais voir notre pays être le premier à utiliser une telle arme."
    L'amiral William "Bull" Halsey, commandant de la troisième flotte, qui avait conduit  l'offensive américaine contre les "Home Islands" japonaises dans les derniers mois de la guerre, déclara publiquement en 1946 que "la première bombe atomique était une expérience inutile."
    "Ce n'est qu'en contestant et en résistant à la vision confortable de l'Histoire que les Américains pourront se confronter, de manière honnête et critique, à l'un des épisodes les plus dérangeants de leur passé" concluent Leo Maley III et Uday Mohan.
    Leo Maley III a enseigné à Massachusetts-Amherst University et au College Park de l'Université du Maryland. Uday Mohan est directeur de la recherche a l'institut d'études Nucléaires de l'American University.
    Leo Maley III et Uday Mohan,
    "Not Everyone Wanted to Bomb Hiroshima",
    History News Network.

    Projet Manhattan

    Plus claire que mille soleil

    Un livre à acheter, qui présente les physiciens ayant participés à la construction de la bombe atomique américaine (projet Manhattan), leurs motivations puis les réticences de certains... (Ce livre ancien a été contesté sur certains passages concernant les physiciens allemands)

    Plus clair que mille soleils
    Robert Jungk
    Edition Arthaud
    1958

     

     

     

     

     

     

     

     


    Cet ouvrage semble ne plus être disponible.

     

       Los Alamos à la veille du premier essai atomique. Printemps 1945.
    Jamais, à Los Alamos, le rythme de vie ne fut aussi accéléré qu'après la capitulation du Troisième Reich. « Nos maris travaillaient presque sans relâche », rappelle Eléanor Jette, la femme d'un chef atomiste américain. Rédactrice des revues de Réveillon annuelles, qui plaisantaient gentiment les difficultés de la vie sur la «mesa» et les manies de quelques personnalités éminentes, Mrs. Jette était devenue une sorte de célébrité locale.
    Mais en juin et juillet 1945, l'humour l'abandonna elle aussi. On aurait dit que le temps lui- même conspirait contre les constructeurs de la bombe. Il ne pleuvait pas depuis des semaines. Un vent sec et brûlant soufflait du désert. L'herbe grillait, les feuilles et les aiguilles de pin se desséchaient. Parfois, le ciel devenait sombre et des éclairs flamboyaient au loin sur le massif du « Sangre de Cristo » (Sang du Christ), mais les nuages ne crevaient pas. Il y eut plusieurs incendies de forêts non loin de la ville-laboratoire et l'on craignait que les étincelles portées par le vent ne viennent enflammer les maisons d'habitation, les bureaux et les ateliers tous construits en bois. En cas d'incendie, il n'y avait d'eau disponible que dans l'« Ashley Pond », petit étang situé au centre de la localité, car les conduites n'apportaient même plus le précieux liquide en quantité suffisante pour les besoins privés les plus pressants. « Nous nous lavions les dents avec du Coca Cola, raconte une infirmière.»
    Groves avait signifié que la première bombe devrait être prête pour servir à une expérience à la mi-juillet, la seconde en août, pour être engagée dans les hostilités. Philip Morrison constate : « je peux témoigner en personne qu'un jour proche du 10 août avait été choisi comme le terme mystérieux de notre travail et que nous devions respecter à tout prix ce délai sans nous soucier des frais ou de l'importance des travaux nécessaires. »
    Le travail forcé, la chaleur et le manque d'eau contribuaient à l'énervement général. Mrs. Jette raconte : « Un jour, en passant, je dis « bonjour » à un vieil ami, sans penser à mal, et il m'a sauté dessus : « Qu'y a-t-il donc de bon en ce « jour » ?»
    Deux jeunes physiciens, du même âge que Klaus Fuchs, jouèrent un rôle important dans ce stade terminal de la construction de la bombe atomique : c'était un Californien dégingandé: Luis W. Alvarez, et le maigre Louis Slotin, né au Canada de parents qui avaient fui les pogroms russes. Tous deux faisaient partie des war babies, groupe de jeunes savants qui avaient vraiment appris leur métier en travaillant pour la guerre et connu leurs premiers grands succès dans les laboratoires d'armement. L'«arme nouvelle» ne revêtait pas pour eux le même prestige mystérieux et terrible qu'aux yeux de leurs collègues plus âgés et ils avaient peine à comprendre les doutes qui assaillirent leurs maîtres pendant ces derniers mois.
    Alvarez, fils d'un célèbre médecin de la clinique Mayo spécialiste des maladies internes, était venu assez tard à Los Alamos après s'être fait remarquer sur la côte est dans le laboratoire de radar secret du « Massachusetts Institute of Technology » par quelques inventions importantes (entre autres un viseur de bombardement et le système de contrôle d'atterrissage par radio, installé aujourd'hui sur presque tous les aérodromes). Sur la « colline », il avait réussi avec une équipe de chercheurs encore plus jeunes que lui-même à construire le subtil mécanisme de déclenchement de la bombe fonctionnant au millionième de seconde.
    L'essai de ce dispositif, dans la mesure où la chose était possible en laboratoire, passait à Los Alamos pour l'un des « jobs » les plus dangereux. On procéda donc à l'expérience dans d'étroits canons isolés, loin de la « mesa » où habitaient les familles et où se trouvaient la plupart des ateliers. Quand, au printemps 1945, Alvarez eut terminé et essayé le premier modèle expérimental de déclencheur qu'il jugeât au point, il confia la réalisation du modèle définitif au docteur Bain Bridge, directeur technique, et demanda à Oppenheimer de lui donner une mission nouvelle, si possible à proximité du front.
    A la fin mai 1945, Alvarez et son équipe furent envoyés à la base aérienne de Tinian, sur le Pacifique, d'où partaient presque chaque jour les bombardiers chargés de bombes explosives et incendiaires contre le Japon. Là, Alvarez conçut, en attendant son engagement « atomique » définitif, un instrument de mesure qui, jeté avec la bombe, renseignerait par radio le bombardier sur la violence de la vague de choc déclenchée par la nouvelle arme.
    Pendant ce temps, Slotin s'employait à examiner à fond le coeur de la bombe expérimentale, composé de deux hémisphères qui devaient se rejoindre au moment précis du lancement, permettant alors à l'uranium qu'ils renfermaient de s'unir en une «masse critique». La détermination de ce point critique (« crit » dans le jargon de Los Alamos) était l'un des principaux problèmes auxquels travaillait la division d'études théoriques. Mais la quantité d'uranium, l'angle de diffusion et le libre parcours des neutrons susceptibles de déclencher la réaction en chaîne, la vitesse de réunion des deux sphères, ainsi qu'une foule d'autres données ne se prêtaient qu'à des calculs approximatifs. Si l'on voulait obtenir une précision parfaite, il fallait les vérifier expérimentalement pour chaque bombe. Telle était la mission du groupe dirigé par 0-R. Frisch, le découvreur de la «fission », envoyé en mission technique d'Angleterre à Los Alamos. Slotin faisait également partie de cette équipe. Celui-ci avait l'habitude de réaliser l'expérience sans recourir à des moyens de protection particuliers. Ses seuls instruments étaient deux tournevis grâce auxquels il poussait les sphères l'une contre l'autre avec des précautions infinies. Il lui fallait atteindre très exactement le « point critique », départ initial de la réaction en chaîne, laquelle prenait fin dès qu'il écartait de nouveau les deux sphères l'une de l'autre. S'il dépassait ce point ou n'agissait pas avec une rapidité suffisante, la masse deviendrait « supercritique » et une explosion nucléaire se produirait. Frisch lui-même avait déjà risqué sa vie à Los Alamos au cours d'une expérience analogue.
    Slotin connaissait naturellement le mortel péril auquel son chef avait échappé de justesse. Mais cette expérience dangereuse - qu'il appelait « taquiner le dragon par la queue » - répondait à ses goûts téméraires. Depuis sa tendre enfance, Slotin recherchait le combat, l'excitation et l'aventure. Plus pour éprouver le grand «frisson», que pour des raisons politiques, il avait été engagé volontaire dans la guerre civile espagnole, où il avait couru les plus grands dangers dans la D. C. A. Dès qu'éclata la seconde guerre mondiale, Slotin s'engagea dans la «Royal Air Force », mais il fut remercié quelque temps après, bien qu'il eût fait ses preuves au combat, quand on découvrit qu'il avait caché sa myopie à la commission d'examen médical.
    Comme il rentrait d'Europe et se rendait à Winnipeg, sa ville natale, un ami rencontré à Chicago lui fit comprendre qu'avec ses titres scientifiques - il avait été lauréat de biophysique au King's College de Londres - il pourrait contribuer plus efficacement à l'effort de guerre dans un laboratoire que dans un avion de combat. Il travailla donc au «Metallurgical Lab» du «Manhattan Project», tout d'abord comme biochimiste, puis comme l'un des constructeurs du grand cyclotron. Chacun l'aimait. A part sa petite voiture de sport rouge, rien ne semblait l'intéresser plus passionnément que son travail, auquel il se consacrait nuit et jour.
    Après Oak Ridge, Slotin finit par arriver à Los Alamos. Il avait espéré être muté à Tinian avec Alvarez au début de 1945, Pour Y procéder au montage du « coeur » explosif de la première bombe employée dans le conflit. Mais, comme il était citoyen canadien, les autorités de police durent lui refuser la réalisation de ce désir. Pour le « consoler », on lui confia la mission de préparer le mécanisme interne de la bombe expérimentale d'Alamogordo et de le remettre officiellement à l'Armée au nom du laboratoire. Une copie du document attestant la livraison à l'Armée de la partie interne de la première bombe atomique terminée devint alors la pièce maîtresse de sa collection de certificats scolaires, de trophées de boxe et de lettres d'approbation.
    Le 21 mai 1946, un peu moins d'un an plus tard, Slotin répétait cet essai déjà si souvent réalisé avec succès, pour préparer la seconde expérience atomique qui devait avoir lieu dans les eaux de l'atoll de Bikini, dans le Pacifique, quand, soudain, le tournevis lui échappa. Les deux hémisphères remplis du produit critique se rejoignirent trop vite et une clarté bleuâtre, aveuglante, envahit la pièce. Au lieu de se baisser pour se mettre à l'abri, Slotin, de ses deux mains, sépara les deux moitiés, arrêtant ainsi la réaction en chaîne. Son geste sauva la vie des sept autres hommes présents dans la pièce. Slotin sut aussitôt que cette dose excessive de radioactivité entraînerait sa mort, mais, pas un instant, il ne perdit la tête. Il dit à ses collègues de reprendre les places qu'ils occupaient au moment de l'accident, et fit au tableau un croquis précis destiné à permettre aux médecins d'établir à quelle quantité de radiations chacune des personnes présentes avait été exposée.
    Tout en attendant au bord de la route la voiture qui devait les conduire à l'hôpital, Slotin s'adressa à Al Graves, le savant le plus gravement atteint par les radiations après lui-même, et lui dit avec calme : « Vous vous en sortirez mais, moi, je n'ai pas la moindre chance. » Il disait vrai. Neuf jours après, mourait au milieu de souffrances terribles celui qui avait déterminé expérimentalement la « masse critique » de la première bombe atomique.
    La feuille de mesure du compteur de neutrons était restée dans le laboratoire de Slotin. Elle portait une mince ligne rouge ascendante, qui se brisait brusquement au moment de l'accident, le rayonnement ayant alors été trop violent pour pouvoir être enregistré par le délicat instrument. Le savant chargé d'établir au moyen de ces données le processus physique de l'accident à partir du moment où l'instrument avait glissé de la main de Slotin, fut Klaus Fuchs.
    Un sort également funeste attendait l'équipage du croiseur Indianapolis qui amenait à Tinian la plus grande partie du « coeur explosif » de la première bombe atomique destinée à être lancée sur le Japon. De tout l'équipage de ce bateau, le plus rapide de la flotte américaine, trois hommes se doutaient de ce qu'ils transportaient. Les autres savaient seulement que la grande caisse de bois embarquée sous bonne garde à l'aube du 16 juillet 1945, peu avant le départ, devait contenir quelque chose de très important. Pendant la traversée de San Francisco à Tinian, des mesures de sécurité spéciales furent prises contre les sous-marins ennemis, et tout le monde respira quand l'Indianapolis reprit la mer après déchargement de son fret mystérieux. Mais, avant même d'avoir atteint un autre port, le croiseur était torpillé le 30 juillet, à minuit cinq. Une série de hasards malheureux fit que le haut commandement de la flotte n'apprit la nouvelle qu'au bout de quatre jours (les signaux d'un autre navire avaient été confondus avec les émissions radiotélégraphiques réglementaires de l'Indianapolis et l'absence du croiseur ne fut pas remarquée dans le port de Leyte, par suite d'un autre malentendu). Aussi les équipes de sauvetage atteignirent-elles trop tard le lieu de la catastrophe et, sur les 1 196 hommes à bord, il y eut seulement 316 survivants.
    Pronostics avant le lancement
    Quelques jours avant le premier lancement de la bombe, on ne cacha pas aux femmes et aux enfants des atomistes qu'un événement particulièrement important et passionnant se préparait. Le terme choisi pour désigner le test était « Trinity ». On n'a jamais su exactement pour quelle raison on avait ainsi blasphémé le nom de la Trinité. Les uns supposent que « Trinity » désignait une mine de turquoises maudite, située près de Los Alamos et abandonnée par les Indiens superstitieux. D'autres affirment qu'on avait choisi ce nom parce qu'à cette époque les trois premières bombes atomiques étaient sur le point d'être terminées. Le « nom-code » se rapporterait alors simplement à cette infernale trinité.
    Entre les savants atomistes travaillant à Los Alamos, toutes les conversations roulaient naturellement sur ce problème crucial : « Le " gadget " - on évitait avec effroi le mot " bombe " - éclaterat-il ou non ? » La majorité avait foi dans les calculs théoriques. Mais il fallait compter avec les incidents techniques toujours possibles. Alvarez, le constructeur du « trigger » de la bombe, avait bien souvent raconté à ses collègues par trop confiants comment, en 1943, son dispositif d'atterrissage sans visibilité avait refusé de fonctionner quatre fois lors de la démonstration devant les autorités militaires.
    La question de savoir si la première bombe terminée serait un « coup pour rien » ou un «succès », ou, comme on disait à Los Alamos, une « fille » ou un « garçon », était si passionnante qu'elle devint prétexte à un gentil petit jeu avec l'horrible. Lothar W. Nordheim, physicien atomiste, qui avait encore appartenu à la vieille garde de Göttingen, raconte : « Avant le premier essai du 16 juillet 1945, les savants de Los Alamos organisèrent des paris sur l'ampleur de l'explosion, mais la plupart des estimations furent beaucoup trop basses, à l'exception d'une ou deux hypothèses particulièrement osées. »
    La seule évaluation proche de la vérité fut celle de Robert Serber, ami d'Oppenheimer qui était resté un certain temps absent de Los Alamos. Lorsqu'on lui demanda plus tard comment il avait pu effleurer le chiffre exact, il répondit : « Par simple courtoisie. Etant invité, j'ai voulu proposer un nombre flatteur. »
    Que les créateurs de la bombe atomique fissent de leur arme un objet de paris - un dollar la mise -, cela répondait bien à l'esprit de l'entreprise. En dépit de tout un déploiement de projets et d'organisation, la bombe n'était-elle pas elle aussi, en fin de compte, le produit d'un... jeu de hasard ? Comme il leur paraissait impossible de prévoir par des évaluations exactes le comportement des neutrons déclenchant la réaction en chaîne, les mathématiciens avaient inauguré une nouvelle forme de calcul des probabilités : «Si nous soumettons nos problèmes à la roulette, s'étaient-ils dit, nous obtiendrons peut être une estimation statistique de la moyenne des neutrons absorbés et des neutrons rejetés par les noyaux d'uranium. » Cette méthode baptisée «Méthode Monte-Carlo », du nom du célèbre casino européen, joua en effet un rôle important dans les prévisions théoriques des atomistes.


    Préparatifs d'Alamogordo
    Les jeudi 12 et vendredi 13 juillet 1945, les pièces constituant le mécanisme d'explosion interne de la bombe-test quittèrent clandestinement Los Alamos sur une voie secrète construite pendant la guerre. On les amena au terrain d'essai de « Jornada del Muerto » (Voyage de la mort), non loin du village d'Oscuro (Sombre) et de la petite ville d'Alamogordo. Là, s'élevait déjà au milieu du désert une haute tour métallique sur laquelle on devait placer la bombe. Ce mois de juillet étant exceptionnellement orageux, on décida de la hisser sur cette tour le plus tard possible. Une bombe de mêmes dimensions, garnie d'explosif ordinaire et suspendue à titre d'essai quelques jours d'avance, fut touchée par la foudre et explosa avec une forte détonation.
    Le « coeur » de la bombe fut monté dans un vieux ranch sous la direction du docteur Robert Bacher, chef de la division pour la physique des bombes à Los Alamos. « Il y eut», dit le rapport du général Farrell, représentant le général Groves lui-même, « quelques minutes désagréables quand un incident se produisit dans le montage d'une partie importante de la bombe. Tout l'appareil avait été réalisé mécaniquement selon les mesures les plus précises. Cette partie n'était qu'à demi montée lorsqu'une pièce se coinça et arrêta tout le travail. Sans se départir de son calme, le docteur Bacher assura qu'on viendrait à bout de la difficulté. Trois minutes après, ses dires se vérifièrent et le montage se termina sans autre incident. »
    Les atomistes qui n'avaient pas quitté Los Alamos la semaine précédente, en vue des derniers préparatifs, se tenaient maintenant en alerte. Pourvus de vivres et, sur l'ordre exprès de la direction, d'un « snake bite kit » (trousse contre les morsures de serpents), ils étaient prêts à partir à tout moment. Les 14 et 15 juillet, de gros orages accompagnés de grêle éclatèrent sur Los Alamos. Dans la plus grande baraque commune, habituellement salle de cinéma, le chef de la « Theoretical Division », Hans Bethe, s'adressa aux futurs témoins de l'expérience, dont un grand nombre apprit à ce moment-là seulement l'objet et le but de leurs travaux, et conclut par ces mots : «D'après les estimations humaines, l'expérience doit réussir. Mais la nature se conformera-t-elle à nos calculs ?» Puis tout le monde s'embarqua dans des autobus camouflés pour un voyage qui devait aboutir au terrain d'essai, distant de quatre heures de route.
    A deux heures du matin, tous les participants étaient à leurs places respectives au «camp de base», à 17 000 yards (15 km 500) du « point zéro », la tour qui portait l'arme nouvelle non encore expérimentée, résultat de leur travail de deux années. Ils essayaient les lunettes noires qu'on leur avait données et s'enduisaient le visage à la lumière artificielle d'une crème antisolaire. Les haut-parleurs disséminés sur tout le terrain diffusaient de la musique de danse. De temps à autre, on recevait des informations sur l'état des préparatifs. Le mauvais temps fit retarder le moment du « shot» fixé à quatre heures du matin.
    A la station de contrôle, située à 10 000 yards (9 km 140) de la tour seulement, Oppenheimer et Groves se demandaient s'il fallait remettre l'essai à plus tard. «Pendant presque toute la durée de l'attente, nous sortions sans cesse et scrutions l'obscurité pour découvrir les étoiles, rapporte le général Groves. Puis nous essayions de nous convaincre mutuellement que les rares étoiles visibles devenaient plus claires. » Après consultation des météorologistes, on décida enfin de faire exploser la bombe-test à cinq heures et demie du matin.
    A cinq heures dix, le physicien atomiste Saul K. Allison, suppléant d'Oppenheimer, l'un des vingt hommes affectés au «control room » commença d'indiquer l'heure. Presque au même moment, le général Groves, qui avait quitté la station de contrôle pour se rendre au « camp de base », à un peu plus de six kilomètres en arrière, donnait les dernières instructions au «personnel scientifique » : mettre des lunettes et s'allonger sur le ventre en détournant le visage. On pouvait craindre en effet que ceux qui regarderaient la flamme sans se protéger ne devinssent aveugles.
    Pendant les derniers instants d'attente, dont chaque minute sembla durer des siècles, on parla à peine. Tous suivaient le fil de leurs pensées, mais ce n'étaient pas visions d'apocalypse, autant qu'ils puissent s'en souvenir. La plupart semblent sêtre inquiétés du moment où ils pourraient abandonner leur station allongée inconfortable et apercevoir quelque chose du spectacle attendu. Fermi, toujours à l'affût d'une expérience, tenait à la main des bandes de papier qui devaient lui servir à mesurer la pression de l'air et évaluer aussitôt par ce moyen la violence de l'explosion. Frisch se proposait d'enregistrer le phénomène dans sa mémoire aussi exactement que possible en rie se laissant influencer ni par les sentiments ni par les préjugés. Groves se demandait pour la centième fois. si toutes les mesures étaient prises pour une évacuation rapide en cas de catastrophe, et Oppenheimer supputait avec une crainte égale les chances d'échec ou de succès de l'expérience.
    Puis tout se déroula avec une rapidité inconcevable. Personne ne vit directement la première lueur fulgurante du feu atomique. On ne perçut que le reflet blanc dans le ciel et sur les montagnes. Ceux qui osèrent se retourner distinguèrent le globe de feu lumineux, sans cesse grossissant. «Mon Dieu, je crois que les " long-hairs " ont perdu le contrôle », s'écria un officier supérieur. Carson Mark, l'une des personnalités éminentes de la division de physique théorique, pensait - bien que sa raison lui affirmât l'impossibilité de cette hypothèse - que le globe de feu allait croître jusqu'à embraser ciel et terre.
    A ce moment, chacun oubliait ce qu'il s'était proposé de faire, comme paralysé par la violence de l'explosion. Oppenheimer, cramponné à un pilier de la station de contrôle, se rappelait soudain ce passage de la Bhagavadgîtâ, poème sacré des Hindous :
    « Si la lumière de mille soleils
    Eclatait dans le ciel
    Au même instant, ce serait
    Comme cette glorieuse splendeur... »
    Puis, lorsque le nuage géant, sinistre, s'éleva, là-bas, au-dessus du « point zéro », un autre passage d'un poème hindou lui revint en mémoire :
    je suis la mort, qui ravit tout, qui ébranle les mondes. »
    Ainsi avait parlé Sri Krishna, le sublime, qui règne sur le destin des mortels. Mais Robert Oppenheimer n'était qu'un homme à qui était échu un pouvoir trop grand.
    Il est assez frappant que, parmi tous les assistants, aucun ne réagit aussi objectivement qu'il se l'était imaginé. Tous, même ceux qui étaient sans attaches ou même sans tendances religieuses - c'était la majorité - racontèrent l'événement en des termes empruntés aux domaines du mythe ou de la théologie. Le général Farrell par exemple : «Le pays tout entier se trouva baigné dans une lumière dévorante, bien plus violente que celle du soleil à midi... Au bout de trente secondes, l'explosion se produisit, la pression de l'air frappa durement les gens et les choses et, presque aussitôt, on entendit un grondement persistant et lugubre, pareil à un avertissement du Jugement dernier. A ce tonnerre, nous comprîmes que nous avions eu, êtres infimes, l'audace sacrilège de toucher aux forces jusqu'ici réservées au Tout-Puissant. Les mots ne suffisent pas à faire saisir à ceux qui n'ont pas vécu cet instant l'impression que nous éprouvâment dans notre corps, notre esprit et notre âme. Il faut avoir été là, pour se l'imaginer. »
    Même un rationaliste comme Enrico Ferrai, qui, lors des discussions des semaines précédentes, avait répondu à toutes les objections de ses collègues : « Laissez-moi donc tranquille avec vos scrupuls cette bombe, n'est-ce pas de la belle physique ? » fut profondément ébranlé. Lui qui, d'habitude, ne laissait à personne le volant de son automobile se reconnut incapable de ramener celle-ci à Los AIamos et prit place à côté du chauffeur : « Il me semblait que la voiture bondissait d'un tournant à l'autre, survolant la ligne droite qui les séparait », déclara-t-il à sa femme après son retour.
    C'est le général Groves qui se ressaisit le plus vite. Il put même consoler l'un des savants accouru presque en larmes, parce que l'explosion d'une violence inattendue avait détruit, à proximité du «point zéro », tous ses instruments d'observation et de mesure. « Eh bien, prononça Groves, si les instruments n'y ont pas résisté c'est que l'explosion devait être assez forte. Et c'est bien là ce que nous voulons surtout savoir. » Et, au général Farrell, il dit : « Finie la guerre. Avec un ou deux de ces engins, le Japon est liquidé. »


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  • Hirochima - Nagasaki

    Il faudrait une éternité pour décrire l'horreur de ces bombardements atomiques du Japon.

    Voici un témoignage sur Nagasaki.

    Gaulois.

     

     

     

     

     

     

     

    10 août 1945, Nagasaki. les restes d'une personne calcinée. (Photo Yosuke Yamahata)

     

     Des photos illustrant ce témoignage n'ont pu être reproduites...

     


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  • Hiroshima - Nagasaki

    Autre témoignage tout aussi douloureux que les précédents :

    Deux jours de cauchemar !


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  • Hiroshima - Nagasaky

    ...Suite

    Voici le témoignage bouleversant du docteur Shuntaro Hida :

    Autre témoignage :

    A suivre ...


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  • Hiroshima – Nagasaki

    !!!  Attention, les photos en fin d'article sont difficilement soutenables.

    Hiroshima - 6 août 1945 – 8h 17  Bombe atomique à l'uranium – 140 000 morts.
    Nagasaky – 9 août 1945 - 11 h 02  Bombe atomique au plutonium – 70 000 morts.

    Petit rappel historique.
     

    L’organisation des Nations Unies voit le jour le 26 juin 1945 après les délibérations de la conférence de San Francisco. Charte de l'Organisation des Nation-Unies ( ONU ).
    L'ONU "remplace" la SDN (Societé Des Nations) dissoute en avril 1946.
    La SDN était une organisation internationale introduite par le traité de Versailles en 1919 dans le but de conserver la paix en Europe. C'est le 24 octobre 1945, lors de la ratification par la majorité des pays signataires, que l'ONU naquit officiellement.

    Il est claire que l'ONU naissante de 1945 n'a pas empêchée, 40 jours après la conférence de San Francisco, le double bombardement barbare des deux villes Japonaises. Il est tout aussi claire que cette organisation agissait sous l'emprise des États-Unis.
    Les véritables raisons de la destruction d'Hiroshima et Nagasaki étant d'effrayer les soviétiques et commencer la guerre froide. Ce que ne dit pas évidemment l'article du monde du 7 août 1945 !

     

     

     


     Il y a soixante sept ans, les 6 et 9 août 1945, les villes japonaises d'Hiroshima et de Nagasaki étaient littéralement "ramenées à l'âge de pierre" par l'explosion des premières - et seules - bombes atomiques jamais utilisées dans un conflit.
    6 août 1945 : 140.000 morts à Hiroshima !
    9 août 1945 :  70.000 morts à Nagasaki !
    L'emploi d'armes aussi barbares était devenu indispensable - dit-on alors officiellement - pour arrêter la guerre et épargner des centaines de milliers de vies. Des documents récents démentent cependant cette thèse et révèlent que ces destructions avaient pour objectif d'impressionner les Soviétiques, d'arrêter leur avance, et marquaient, en fait, le début de la guerre froide…
    La solution finale d'Hiroshima et de Nagasaki servit donc de prélude et de prétexte à un déploiement mondial de la puissance économique et diplomatique américaine.

    Des photos longtemps cachées, pour dissimiler l'horreur :

    Le Monde - 10 mai 2008 - Sylvain Cypel et Philippe Pons


    Hiroshima : ce que le monde n'avait jamais vu
     
    Dix clichés, cachés pendant plus de soixante ans par un soldat américain, montrent, pour la première fois, les victimes de la bombe larguée le 6 août 1945 sur la ville japonaise
     
    Ce sont des photos prises au sol, de l'intérieur du désastre. Rien à voir avec la vision abstraite et désincarnée du champignon nucléaire. Ces images montrent l'état de la ville japonaise d'Hiroshima dans les premiers jours qui ont suivi le largage, par l'aviation américaine, de la première bombe atomique, le 6 août 1945, à 8h17.
    Sidérantes photos de corps flottant dans les eaux. Epouvantables images de visages tordus de souffrance. Clichés de cadavres entassés en pyramide, de corps tétanisés, adultes, vieillards et enfants, soufflés dans l'instant. Il n'y a plus ni homme ni femme. Uniquement des corps calcinés, enchevêtrés sous les gravats, ou allongés en rangs à perte de vue par les premiers sauveteurs et militaires nippons arrivés sur place, déambulant, masqués, entre les travées. On reconnaît simplement les enfants à leur petite taille.
    La Hoover Institution, à l'université Stanford, en Californie, a rendu publiques dix photographies exceptionnelles, lundi 5 mai. Elles lui ont été remises, en 1998, par Robert L. Capp, un soldat qui avait participé aux forces américaines d'occupation du Japon à l'issue de la seconde guerre mondiale. "En fouillant une cave près d'Hiroshima, explique Sean Malloy, historien et chercheur à l'Université de Californie, à Merced, Capp est tombé sur des pellicules non développées : parmi elles, il y avait ces photos." Leur auteur, japonais, est inconnu.
    En travaillant sur un livre publié cette année, Atomic Tragedy : Henry L. Stimson and the Decision to Use the Bomb Against Japan (La tragédie nucléaire : Henry Stimson et la décision de lancer la bombe sur le Japon, Cornell University Press), M. Malloy, ancien de l'université Stanford, a été autorisé à voir ces photos. Il a ensuite pu rencontrer la famille Capp, qui lui a permis de divulguer trois photos inédites dans son ouvrage. Robert Capp, décédé entre-temps, avait fait don de la collection, en 1998, au fonds d'archives Hoover, exigeant que ces photos ne soient pas montrées avant 2008.
    En raison de la censure draconienne imposée par l'occupant américain sur tout ce qui touchait au bombardement d'Hiroshima (puis de Nagasaki, trois jours plus tard), on ignora pendant des mois l'ampleur de la tragédie dont furent victimes des populations essentiellement civiles. Les images prises par les premiers photographes nippons à s'être rendus sur place furent interdites. Les photos trouvées par M. Capp, sans doute d'un amateur, sont un témoignage de l'horreur des premiers jours qui suivirent le bombardement.
    Ce 6 août 1945, Hiroshima (350 000 habitants) s'apprête à vivre une journée de chaleur moite, écrasante, vrillée par le cri des cigales, du torride été nippon. La bombe larguée par la forteresse volante Enola Gay, qui s'est envolée à l'aube de la ville de Tinan, dans le Pacifique, explose à 580 mètres d'altitude. La ville est rasée à 90 % et 150 000 personnes périssent sur le coup ou après une longue agonie. Aux effets foudroyants fera suite la mort lente provoquée par les radiations. "Rendez-nous notre humanité", lancera le poète atomisé Sankichi Toge.
    A part le reportage du journaliste australien William Burchett, "No more Hiroshima", publié en septembre, on ne sait pratiquement rien, six mois plus tard, de ce qui s'est passé à Hiroshima et à Nagasaki. Avec les conséquences humaines tragiques : comment soigner ces terribles blessures, traitées comme de simples brûlures ? Comment stopper les hémorragies de corps écorchés vifs ? Le seul organisme mis en place par l'occupant fut un centre de recherches sur les effets de la bombe : il ne prodigue aucun soin, mais demande que les morts lui soient confiés pour autopsie...
    L'horreur des photos pose une nouvelle fois la question : la bombe A était-elle le seul moyen de mettre fin à la guerre du Pacifique ? En 1945, le Japon était à bout de force. A Potsdam, le 26 juillet, les Etats-Unis avaient exigé sa capitulation sans condition, que Tokyo refusa. Mais la décision de larguer ses bombes sur l'Archipel avait déjà été prise, la veille, à Washington. Dans ses Mémoires, le général puis président des Etats-Unis, Dwight Eisenhower, écrit qu'en août 1945 "le Japon était déjà battu, le recours à la bombe était inutile". A fortiori, la seconde, sur Nagasaki, qui fit 70 000 morts sur le coup. Plus que la capitulation nipponne, il s'agissait de montrer la suprématie américaine à l'URSS, qui avait entre-temps déclaré la guerre au Japon.
    Depuis la divulgation de ces photos, blogueurs et internautes américains se déchirent sur le sujet. Une phrase revient souvent dans les commentaires : "Les Japs n'ont eu que ce qu'ils méritaient." Sur le site MetaFilter, l'internaute signant "postroad" estime que le Japon "n'ayant aucune intention de capituler, comme le montre le film de Clint Eastwood (Lettres d'Iwo Jima), aussi horribles soient (ces photos), ces bombardements ont sauvé de nombreuses vies américaines - et aussi nippones". Pour d'autres, à l'inverse, "l'Amérique masque ses crimes honteux".
    Beaucoup d'internautes se demandent aussi pourquoi ces clichés sortent aujourd'hui. Peu font confiance à la version officielle. Peut-on vraiment croire que M. Capp ait attendu cinquante-trois ans avant de montrer ces images à quiconque ? Pourquoi aurait-t-il exigé dix ans de secret supplémentaire ? M. Malloy n'a pas d'explication : "C'est une supposition, mais Capp se savait proche de la fin de sa vie. Il ne voulait pas être entraîné dans les polémiques que ces photos pouvaient générer."
    Pourquoi, également, M. Capp aurait apporté ces documents à la Hoover Institution? Celle-ci est perçue comme un centre de recherches néoconservateur extrême. Certains voient une volonté de "pousser" à une intervention américaine contre l'Iran avant que ce pays, disposant de la bombe A, puisse attaquer Israël. A l'inverse, d'autres suggèrent à Hillary Clinton de "bien regarder ces images avant de s'exprimer". La candidate à l'investiture démocrate à l'élection présidentielle a récemment menacé d' "effacer l'Iran" de la carte s'il attaquait l'Etat juif. L'internaute appelé "oneirodynia" insiste sur "l'effort massif de censure tant de la part des Etats-Unis que de Tokyo après que la bombe eut été larguée. A l'été 1946, la censure américaine au Japon avait grandi au point d'occuper 6 000 personnes".
    Evoquant la "culture du secret" qu'ils croient déceler aux Etats-Unis, nombre de commentaires établissent un rapport entre Hiroshima, les bombardements massifs au napalm des populations locales durant la guerre américaine au Vietnam et... les prisons américaines de Guantanamo et d'Abou Ghraib aujourd'hui. D'Hiroshima à l'Irak, un internaute anonyme écrit, sur le site Yahoo!, que "le peuple américain ne s'intéresse jamais qu'à ses propres morts".
    Alors que le débat se développe sur Internet, la presse américaine n'a pas encore évoqué la divulgation de ces nouvelles photographies de la tragédie d'Hiroshima. Ni la presse japonaise, du reste.


    Le Monde - 10 mai 2008 - Claire Guillot

    La censure américaine a caché les images de victimes
    Avec leurs enchevêtrements de centaines de corps qui évoquent les camps de la mort, ces nouvelles images d'Hiroshima sont sans précédent. Elles disent l'ampleur de la destruction humaine alors que la plupart des documents visuels connus montrent le champignon nucléaire, les destructions matérielles, et des morts ou blessés isolés. L'armée américaine a d'abord fourni à la presse des documents filtrés montrant des cartes avec la cible, puis la photo du champignon atomique, devenu icône de l'imagerie nucléaire. Celui d'Hiroshima a été pris par George Caron, mitrailleur à bord de l'Enola Gay. Mais le public retiendra plutôt celui de Nagasaki, plus " esthétique ".
    Les photos au sol sont rares car la censure américaine est vite mise en place au Japon. Il est interdit de montrer des victimes, vivantes ou mortes. Chaque correspondant étranger doit être accrédité par le bureau général américain (GHQ). Ainsi, pendant des années, les publics américain et japonais ne verront que des bâtiments réduits en miettes.
    A Hiroshima, le jour du bombardement, une seule personne a pu prendre des images : le Japonais Yoshito Matsushige, employé d'un quotidien local. On lui connaît cinq photos : aucun cadavre mais des blessés qui apaisent leurs brûlures avec de l'huile. A Nagasaki, le lendemain du bombardement, un photographe militaire japonais, Yosuke Yamahata, a pris une centaine de photos de victimes isolées. Le cadavre d'un enfant carbonisé, une femme allaitant son bébé blessé, des réfugiés hagards... Ces images seront vite publiées dans la presse japonaise, mais pas en Occident : dès leur arrivée au Japon, les Américains confisquent les tirages. Yosuke Yamahata mourra d'un cancer à 48 ans.
    Plus largement, avant la signature du traité de San Francisco, en 1951, qui rend au pays sa souveraineté, la presse japonaise ne pourra jamais évoquer, en images ou en textes, les conséquences des bombardements sur la population. Aux Etats-Unis, les premières images de victimes sont publiées par le magazine Life, le 29 septembre 1952, signées Matsumoto et Matsuhige. Mais les photos de l'armée américaine, comme les films qu'elle a tournés sur place ne sortiront que dans les années 1970, voire 1980.
    Devant la pénurie d'images, nombre de photographes ont choisi de retourner dans les deux villes. Shomei Tomatsu, début 1960, montre des images de corps à la peau brûlée, transformés en troncs d'arbre. Hiromi Tsuchida réalise un travail autour des objets conservés au mémorial d'Hiroshima, comme des montres figées à l'heure de l'explosion.
    Gabriel Bauret, spécialiste de la photographie au Japon, estime qu'il reste des images non dévoilées. "Le nombre de photos est très limité. Or Hiroshima a été un terrain d'expérimentation scientifique pour les Américains. Ils ont forcément pris des images pour étudier les radiations." Le photographe Guillaume Herbaut, auteur d'un travail sur les irradiés, les hibakusha, a pu consulter certaines de ces images "interdites" au mémorial de Nagasaki. "Elles montrent des victimes de radiation, photographiées comme des prisonniers, avec une pancarte à leur nom."


    Les photos de l'horreur :

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    A suivre......

    Gaulois.

     


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  • Cecile Duflot pro-nucléaire ?

    Il est des moments difficiles de ne pas parler de politique...

    Il faut croire que l'on peut facilement renoncer à ses engagements en échange d'une bonne situation. C'est en tout cas valable pour Cécile Duflot qui, dans le mépris total de celles et ceux qui lui accordaient leur confiance, n'a pas manqué de jeter aux orties ses bonnes résolutions. Elle qui jurait par tous les saints de la terre qu'il n'y aurait pas d'accord avec le PS sans engagement de sortie du nucléaire :   

    http://www.francetv.fr/2012/pour-cecile-duflot-pas-daccord-avec-le-ps-sans-une-sortie-du-nucleaire-8009

    Dans cette déclaration, elle avait pris le soins de faire dans la nuance en parlant de l' «ouverture de l'horizon d'une sortie du nucléaire ». Chapeau bas pour l’ambiguïté. Tout le monde le sait, l'horizon d'une sortie du nucléaire signifie jamais !  
    C'est sans doute le hasard si Cécile Duflot se retrouve à un portefeuille, dans un gouvernement pro-nucléaire, qui n'a rien à voir avec ses soi-disant convictions écologiques. Si elle avait pris celui de l'énergie et de l'environnement, cela aurait fait un sérieux désordre beaucoup trop visible dans le paysage politique déjà pas si propre. Alors, Cécile Duflot est-elle pro-nucléaire ? Comme Nicole Bricq qui a hérité de ce portefeuille mais pas pour longtemps et remplacée par delphine batho, pro-nucléaire elle aussi. Comme quoi le thème de l'écologie n'était qu'un sordide prétexte lors d'une campagne électorale complètement faussée à sa base. L'ambition de Cécile Duflot est satisfaite et l'objectif d'une rente à vie atteint.
    Vous avez remarqué qu'à chaque grande échéance électorale, la naïveté des citoyens-électeurs bat son plein. Le flirt du vert avec le rose aboutit à un brassage politique paradoxal et immonde. Déjà que le rose, par certains de ses objectifs, n'est pas si éloigné du bleu. Il suffit pour s'en convaincre d'analyser le programme des socialiste et de le comparer avec celui du gouvernement précédent. Tenez, juste au hasard, le programme nucléaire !
    Cécile Duflot ne pouvait pas faire mieux comme cadeau à la secte nucléocrate en confortant le pro-nucléaire Président.


    Gaulois .


    Un politique est prêt à tout, mais bon à rien.




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  • Le pouvoir de l'engagement

    Peut-être ne connaissez-vous pas ce texte de Goethe, poète, écrivain et scientifique allemand.

    Je l'ai découvert il y a quelques années et aujourd'hui, j'ai envie de partager cette grande sagesse.

    Gaulois.

    Le pouvoir de l'engagement


     "Tant que nous ne nous engageons pas, le doute règne, la possibilité de se rétracter demeure et l'inefficacité prévaut toujours. En ce qui concerne tous les actes d'initiatives et de créativité, il est une vérité élémentaire - dont l'ignorance a des incidences innombrables et fait avorter des projets splendides.
    Dès le moment où l'on s'engage pleinement, la providence se met également en marche.
    Pour nous aider, se mettent en oeuvre toutes sortes de choses qui sinon n'auraient jamais eu lieu.
    Tout un enchaînement d'événements, de situations et de décisions crée en notre faveur toutes sortes d'incidents imprévus, des rencontres, des aides matérielles que nous n'aurions jamais rêvé de rencontrer sur notre chemin...
    Tout ce que tu peux faire ou rêver de faire, tu peux l'entreprendre. L'audace renferme en soi génie, pouvoir et magie."
    Goethe


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