• Il paraît que les OGM contribuent à nourrir la planète !

    Argument avancé pour justifier le développement des biotechnologies agricoles : avec les OGM, qu’ils aient pour particularité d’être résistants aux nuisibles ou enrichis en substances nutritives, nous pourrons nourrir le Monde, dont la démographie s'emballe. Face à cette im-posture, certains dénoncent la mainmise de la recherche privée dans ce domaine, tandis que d’autres pointent, par exemple, leur intérêt pour les Pays en Développement.
    Encore et toujours, il n'est pas question de sombrer dans le catastrophisme, mais il est indéniable que nous empoisonnons notre environnement, lentement, sûrement. Si la planète s'en remettra certainement, l'espèce humaine elle, disparaîtra dans sa folie d'auto destructionsuicidaire.

    Gaulois.  

     
    Corinne Lepage 
    Avocate, Ancienne députée européenne Cap21, ancienne ministre de l'Environnement
    Nouvelle séquence pour les OGM
    Publication: 23/05/2015

    Il est un dossier emblématique, comme peuvent l'être les dossiers de l'amiante ou du tabac, un sujet de 30 ans qui revient comme un serpent de mer de manière régulière et qui hante les institutions européennes. On nous vante les possibles vertus de plantes pouvant résister à la sécheresse, à certaines maladies ou à certains insectes nuisibles. On nous parle de nourrir 10 milliards d'humains grâce à ces plantes. En fait, on nous propose des plantes brevetées dont les seules caractéristiques sont d'enrichir ceux qui possèdent les brevets et accessoirement de créer un risque sanitaire. Un maïs, selon ses caractéristiques, aura toujours besoin de la même quantité d'eau pour produire une protéine. Il existe diverses variétés qui sont plus ou moins consommatrices d'eau, cela s'appelle la sélection génétique et non un OGM.
    Le moyen de produire cette même protéine avec la même quantité d'eau, va être d'éliminer dans le champ toutes plantes concurrentes qui pourraient consommer l'eau à la place du maïs cultivé. L'OGM qui est développé pour répondre à des questions hydriques sera donc soit résistant à un herbicide, soit herbicide lui-même. En la matière, Monsanto avec son herbicide phare le round-up en est le meilleur exemple. Et peu importe que le glyphosate, principe actif du Round up soit classé comme probable cancérigène par l'OMS !

    Pour faire accepter cette technologie OGM, tous les moyens sont bons. C'est avant tout une bataille marketing, faire passer les OGM pour quelque chose de rentable et en faveur du progrès humain et qui va répondre à diverses problématiques pesticides, herbicides ou hydriques. Idéalement, il faut trouver un angle humanitaire. Celui-ci a varié : vaincre la faim, fabriquer des alicaments, réduire les pesticides... L'angle médical avec des OGM thérapeutiques qui produisent de l'insuline est resté constant. Pourtant, le chiffre d'affaires des OGM médicaux ne représente pas plus que 1 % du chiffre d'affaires, mais c'est lui qui sera mis en avant par ces fabricants.
    Malgré tout, quand des résistances viennent à se présenter dans un pays, les producteurs et les Etats qui les soutiennent à commencer par les Etats-Unis n'hésitent pas à mettre ces dirigeants et leur population face au fait accompli. Ce fut le cas lorsque des bateaux entiers contenant du soja américain, se sont présentés dans les ports européens avec une part non déterminée d'OGM à bord. Quand en 2001, l'Union européenne prend une directive bien rédigée sur la question des OGM, la réaction ne se fait pas attendre puisque dès 2003 un règlement viendra corriger ce que les industriels estimaient comme une directive trop exigeante pour eux. Leur lobbying intense conduira à l'adoption d'un texte beaucoup plus light qui deviendra la base de toutes les demandes ultérieures aux lieux et places de la directive de 2001.

    Il n'en demeure pas moins que les populations européennes restent toujours aussi sceptiques, voire opposées aux OGM : il faut dire que le souvenir de la crise de la vache folle n'est pas loin. La situation américaine est très différente. Non pas que les consommateurs n'aient pas comme leurs homologues européens le désir de voir étiqueter les OGM. Mais ils n'y parviennent pas sauf dans le Vermont où un referendum a imposé l'étiquetage... d'où un procès de Monsanto. A contrario, une class action vient d'être lancée contre Monsanto par les consommateurs américains. Car aux Etats Unis, les questions de responsabilité se traitent de manière très différente, en aval et peu en amont. Si les nord-américains pratiquent un système de sanctions fortes en aval, les Européens se basent sur un système d'autorisation en amont. L'Union Européenne utilise 2 principes pour le développement des nouvelles technologies : le risque de développement, qui permet à un producteur qui ne connaît pas les risques de ce produit, parce que l'état de la science ne le lui permet pas, de ne pas en être responsable ; pour contrebalancer les risques de ce principe, un autre principe de recherche a été mis en place, le principe de précaution. Pour répondre aux questions sanitaires et aux exigences de la directive de 2001 qui concernent les études à court, moyen et long terme sur les effets directs et indirects sur la santé, les producteurs OGM ont « lobbié » par l'intermédiaire des gouvernements américains et canadiens, l'office de coopération et de développement économique (OCDE) pour obtenir des protocoles très faibles, qui se limitent à des études de très court terme et qui reposent sur des principes fallacieux comme celui de l'effet-dose .
    De surcroît, les producteurs peuvent s'appuyer sur l'organisation mondiale du commerce qui œuvre à lutter contre les barrières grises. Ainsi pour lutter contre les entraves, l'OMC a adopté une formule issue directement des législations nord-américaines avec deux mots associés «science based » que l'on pourrait traduire littéralement par basé sur la science. Et c'est ainsi que depuis 15 ans, l'UE et les États-Unis s'opposent juridiquement en utilisant les bases juridiques différentes de chacune des institutions. On sait très bien que derrière les mots « science based » se cachent en réalité une organisation de l'ignorance scientifique qui permet de retarder toute évolution des législations en matière de prudence, prévention et précaution. À ce titre de livre de Stéphane Foucart «La fabrique du mensonge» explique très bien les méthodes pseudo scientifiques qu'ont utilisées les industries du tabac, de l'amiante ou les fabricants d'OGM pour empêcher la connaissance puis entretenir un doute qui n'a plus lieu d'être.

    Ainsi, quand l'Union européenne a tardé à autoriser des OGM, les États-Unis ont saisi l'OMC et obtenu gain de cause en 2006 estimant que les restrictions n'étaient pas fondées sur des évaluations des risques au sens de l'accord international sur les mesures sanitaires et phytosanitaires. Quand les producteurs de miel allemands veulent pouvoir produire sans OGM et qu'ils constatent une contamination de la part d'un OGM produit par Monsanto, ils saisissent la justice allemande pour obtenir une compensation. La justice allemande leur donne raison et la Cour de Justice de l'UE confirme ce jugement. Ce jugement devient très gênant pour le développement des OGM en Europe et constitue un frein. Qu'à cela ne tienne ! Une nouvelle législation poussée par l'industrie et soutenue par les groupes des libéraux, des conservateurs et l'extrême droite au Parlement européen intervient pour faire reconnaître le pollen comme n'étant pas un ingrédient du miel. Dès lors, la jurisprudence devient inapplicable.
    Pendant trois ans, le Parlement européen a mené une révision de la directive 2001/18, j'étais rapporteure de ce texte. A force de travail, de persuasion, d'écoute de toutes les parties prenantes, nous avions réussi à obtenir un texte voté à une très large majorité allant de l'extrême gauche à une partie de la droite européenne pour une renationalisation des autorisations en ce qui concerne la culture des OGM, mais avec une base juridique très solide. En effet, le texte initial proposé par la Commission européenne était un piège qui permettait aux pays de prendre des mesures d'interdiction pour tous les motifs saufs environnementaux et sanitaires. Nous avons changé la base légale du texte pour permettre justement une interdiction en prenant en compte les motifs environnementaux et sanitaires qui étaient déjà prévus dans la directive 2001/18, afin justement de ne pas sortir des protocoles OMC et de ne pas risquer une condamnation pour les Etats qui décideraient d'appliquer cette législation. Le Conseil de l'Union Européenne a décidé de bloquer cette directive sous l'impulsion de quelques Etats avec en tête l'Espagne - pays sur lequel on se souvient que dans le câble wikileaks, les États-Unis avaient fait pression pour le développement des OGM - et les Etats se sont retrouvés alors de nouveau bloqués par leurs interdictions.
    Cette révision de directive bloquée, la décision de la cour de justice de l'Union Européenne contournée, le champ est redevenu libre pour toutes les autorisations que voudrait donner la commission européenne. Dans un souci de communication, la commission européenne a indiqué donner la possibilité pour les Etats membres d'interdire les OGM sur leur territoire sauf pour des motifs environnementaux et sanitaires. Le texte finalement adopté est revenu à la case départ, celle du piège ! Il va de soi que la traçabilité ne permet pas de contrôler la vente des produits sur le territoire et que ces règles vont clairement à l'encontre du marché intérieur. La Commission a beau jeu aujourd'hui de dire qu'elle ne peut faire autrement puisque sur toutes les demandes d'autorisation les majorités requises ne sont pas atteintes. La pression provient aussi d'une plainte déposée auprès du médiateur européen par la société Pioneer en novembre 2014 concernant la lenteur du traitement des demandes d'autorisation - la CJUE avait déjà rappelé à l'ordre la Commission en 2010 suites à une plainte en 2008 de la société BASF-.
    Quoiqu'il en soit, la porte est désormais grande ouverte aux autorisations d'OGM et la prétendue liberté des Etats de les interdire est un leurre. Pourtant la Commission européenne bénéficiait d'une récente décision qui venait la renforcer dans le cadre légal de l'UE et de l'OMC, c'est-à-dire tant sur la base du principe de précaution que sur celui de "based science". En effet, le classement par l'OMS du glyphosate dans les produits probablement cancérigènes permettait d'écarter sur la base d'un principe comme de l'autre les demandes ou les renouvellements d'OGM tolérants au glyphosate. Comment expliquer la décision de la Commission ? par le refus de désavouer l'EFSA - qui a été épinglée par la Cour des Comptes européennes pour l'absence de gestion des conflits d'intérêts et dont le quitus n'avait pas été voté par les députés européens pendant près de six mois-. Les dysfonctionnements à répétition de l'EFSA et le refus de la Commission d'y mettre bon ordre sont un double dysfonctionnement dont les responsables devront être recherchés.
    Mais en attendant, l'étau se resserre sur la toxicité des OGM et le fait d'avoir refusé de refaire l'étude de G.E. Séralini, même pour la mettre en cause, témoigne d'une carence coupable.
    Compte tenu de la décision de l'OMS, les responsables européens engagent leur responsabilité personnelle mais les Etats membres peuvent parfaitement saisir la CJUE d'un recours en annulation pour le non-respect des principes européens garantis par les traités.
    Au-delà, la bataille qui se joue est aussi celle du futur TAFTA dans la mesure où l'un des objectifs des Etats-Unis est précisément d'anéantir la législation européenne sur ce point et quelques autres, même si nous avons baissé dangereusement la garde sur les animaux clonés. Le Parlement européen était parvenu sous l'ancienne mandature à bloquer les aliments chlorés, la colle à viande et quelques autres « innovations » sans oublier la viande aux hormones. En définitive, au-delà de la mobilisation indispensable contre le TAFTA, le combat majeur est celui de la transparence et de l'étiquetage qui permettront aux consommateurs d'être le vrai contre-pouvoir face à des multinationales sans scrupules et des Etats défaillants dans l'objectif majeur, celui de veiller à l'intégrité physique et à la santé de leurs ressortissants.
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